Bien avant la suspension du président Ahmad Ahmad pour notamment détournements de fonds, les accusations de corruption ont longtemps miné la gestion de la Confédération africaine de football (Caf).
La bonne gouvernance, un voeu pieux au sein de l’instance faîtière du foot continental ? En tout cas, certaines pratiques ont la vie dure à la Caf. Pourtant, Ahmad Ahmad avait comme challenge de « lutter efficacement contre la corruption » dans le football africain avant que celle-ci ne précipite sa destitution. En juillet 2018, à l’île Maurice, le Malgache déclarait que ce phénomène existe « partout dans le monde et tout le monde essaie de (le) combattre ».
Avant lui, Issa Hayatou qui a dirigé pendant 29 ans l’institution a maintes fois été accusé d’avoir reçu des pots-de-vin en échange d’avantages. Mais la preuve n’avait jamais été établie selon certains observateurs interrogés par APA. Ce n’était que des « allégations », estime Babacar Khalifa Ndiaye, un des doyens du journalisme sportif sénégalais. Durant sa longue carrière, il n’a « pas souvenance de corruption avérée » contre l’ex-dirigeant camerounais.
En revanche, on qualifie souvent Hayatou de personnage « secret et tortueux », s’entourant « d’affidés » qui lui ont assuré des réélections à la pelle. Il était aussi considéré comme un « protégé » de Joseph Sepp Blatter, l’ancien homme fort du foot mondial emporté par la Fifagate en 2015. En ce sens, il fut tout le contraire d’Ahmad que beaucoup considéraient comme très proche de l’actuel président de la Fifa, Gianni Infantino, avant que leurs relations ne deviennent « tendues » ces derniers mois.
« Au nom de la Caf »
En 2010, suite à des révélations de la BBC, Issa Hayatou a reconnu avoir reçu la somme de « 25.000 francs suisses »… mais « au nom de la Caf ». Ce versement avait été effectué par International Sports and Leisure (ISL), une société de marketing qui avait obtenu l’exclusivité des droits pendant plusieurs Coupes du monde, avant sa liquidation en 2001.
« Je ne vois pas en quoi nous sommes concernés par ce que la BBC raconte. C’est quelque chose qui date de 16 ans. Pourquoi la BBC n’avait pas révélé ça depuis 16 ans si elle avait la preuve que c’était de la corruption ? Je n’ai rien à craindre. J’ai le soutien de Joseph Blatter », déclarait-il dans les médias français.
Épargné par la vague d’arrestations dans l’immense affaire de corruption révélée au sein de la Fifa en 2015, l’ancien patron de la Caf avait été rattrapé par la justice égyptienne deux ans plus tard après des accusations d’abus de pouvoir. Issa Hayatou avait été suspecté d’avoir attribué des droits de retransmission de plusieurs compétitions à la société Lagardère Sports. Au final, les deux parties avaient nié l’ouverture d’une quelconque procédure.
Dans l’attribution du Mondial 2022 au Qatar, il a aussi été accusé de corruption après que la Caf a reçu 1,8 million de dollars en janvier 2010. Il expliquait que les Qataris leur avaient donnés ce montant « pour exposer leur projet (de candidature) lors du Congrès » afin de désigner les pays organisateurs des Coupes du monde 2018 et 2022.
Début de la fin
A l’inverse, le Malgache Ahmad n’a pas connu le même sort face aux accusations et soupçons. En avril 2019, le défunt Secrétaire Général de la Caf, l’Égyptien Amr Fahmy, envoie une lettre à la Fifa dans laquelle il accuse son supérieur de corruption et de harcèlement sexuel à l’encontre de plusieurs salariées. Il sera licencié plus tard. Mais cette dénonciation semble avoir déclenché la procédure de la Commission d’éthique indépendante de la Fifa, menant une enquête sur diverses questions liées à la gouvernance de la Caf sur la période 2017-2019.
Sur cette question, Ahmad, placé brièvement en garde à vue à Paris (France) en juin 2019, avait sollicité la supervision de l’instance continentale par la Fifa. C’est ainsi que la Secrétaire Générale, la Sénégalaise Fatma Samoura, a effectué un séjour de six mois au Caire (Égypte) en tant que « déléguée générale pour l’Afrique ». Mais la mission de la numéro 2 de la Fifa n’a pas été renouvelée à son terme en février dernier. Dès lors, plusieurs soupçons n’ont pu être levés.
Lundi 23 novembre dernier, la chambre de jugement a établi qu’Ahmad a « manqué à son devoir de loyauté, accordé des cadeaux et d’autres avantages, géré des fonds de manière inappropriée et abusé de sa fonction de président de la Caf ». Les griefs portaient notamment sur l’organisation et le financement d’un pèlerinage à La Mecque (Oumra), ses accointances avec l’entreprise d’équipement sportif Tactical Steel et d’autres activités. En conséquence de quoi, il a été suspendu cinq ans de toute activité liée au football même s’il a déposé mercredi un recours auprès du Tribunal arbitral du sport (Tas).
Nouvelle ère ?
En outre, la Caf et plusieurs proches d’Ahmad, comme le Sénégalais Augustin Senghor, se préparaient déjà à cette sentence de la Fifa. Candidat à l’élection du président de la Caf du 12 mars 2021 à Rabat (Maroc), le président de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) affirmait récemment qu’il était prévu « de prendre le maximum de précautions pour les risques ». Ainsi, « des voix se sont élevées pour dire que j’étais l’homme de la situation pour gagner l’élection et redresser la Caf », poursuivait-il devant une équipe de campagne dans laquelle on reconnait déjà le Media Officer de la Caf, le journaliste sénégalais Aliou Goloko.
Dans un passé récent, le maire de Gorée disait à qui veut l’entendre qu’il ne se présenterait jamais contre Ahmad, candidat à sa propre succession, pour trois raisons : « la loyauté, le souci d’une certaine stabilité et la continuité ». Mais aujourd’hui, « le contexte actuel au sein de l’institution » l’a poussé à prendre cette décision, en plus de « différents facteurs ».
Membre du Comité exécutif de la Caf, Augustin Senghor note des avancées dans la gestion du Malgache bien que tout ne fut pas rose :« Je dois, cependant, à la vérité dire que ces dernières années, malgré toutes les clameurs et rumeurs colportées ici et là sur la gestion de la Caf, des avancées notables ont été réalisées dans beaucoup de domaines par les dirigeants en place. Il me plaît ici de saluer et de rendre hommage au président Ahmad et à mes collègues du Comité exécutif sortant ».
Aujourd’hui, l’intérim à la tête de la Caf est assuré par le vice-président congolais Constant Omari. Non moins président de la Fédération congolaise de football (Fecofa), ce dernier a été placé en garde à vue, en avril 2018, à Kinshasa (RD Congo), en compagnie de trois autres dirigeants sportifs pour de « présumés détournements d’un million de dollars destiné à l’organisation de quatre matchs de football ».
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