Fraternité et solidarité ont marqué la troisième édition du Ndogou fraternel organisé par le collectif Sénégal Comme Nous L’aimons (SCOA), réunissant catholiques et musulmans. L’événement, tenu samedi 22 mars chez le guide mouride Mame Thierno Birahim Mbacké, alias Borom Darou, a rassemblé des centaines de personnes autour du partage et du dialogue interreligieux.
Une ambiance de fraternité et de solidarité a régné le week-end sur Dakar où, pour la troisième année consécutive, les membres du collectif Sénégal Comme Nous L’aimons (SCOA) ont organisé un Ndogou (repas de rupture du jeûne) fraternel réunissant catholiques et musulmans.
Alors que la rupture du jeûne musulman approche ce samedi 22 mars, Yasmina Diouf, chargée de communication du collectif, avertit ses camarades depuis la terrasse de la maison de Mame Thierno Birahim Mbacké, guide religieux mouride : « Il est 19h02, dans quinze minutes, c’est le Ndogou ! Dépêchons-nous ! »
Depuis l’après-midi, les membres du collectif SCOA se sont activés pour préparer des sachets contenant des dattes, des pains tartinés, de l’eau et du café Touba. Ces colis seront distribués dans les rues de Sicap Foire, notamment sur la VDN, un axe très fréquenté entre le centre-ville et la banlieue dakaroise. Habillés de t-shirts célébrant la diversité religieuse, ils ciblent principalement les passants, automobilistes et voyageurs des transports en commun.
Le Ndogou de la cohésion sociale, organisé cette année chez Mame Thierno Mbacké, également connu sous le nom de Borom Darou, est l’occasion de renforcer les liens communautaires. Très impliqué auprès de la jeunesse, sans distinction de religion, ce guide mouride est honoré par la présence de jeunes catholiques arborant des t-shirts portant les inscriptions « Ndiago bou Borom Darou » ou « Mancagne bou Borom Darou », des ethnies sénégalaises majoritairement de confession chrétienne, exprimant ainsi leur proximité avec le descendant de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme, l’une des plus influentes confréries soufies du Sénégal dont la population est composée de plus de 90% de musulmans et près de 5% de chrétiens.
Fraternité et solidarité
Cet événement a pour objectif de promouvoir des valeurs de fraternité, de solidarité et de vivre-ensemble. Le collectif SCOA œuvre notamment pour la cohésion sociale à travers le dialogue interreligieux, la lutte contre le communautarisme et la division ainsi que la promotion de la paix. Outre ce Ndogou fraternel, il a l’habitude d’organiser d’autres activités allant des matchs de football, des dons dans des pouponnières et lors d’évènements religieux tels que les fêtes de pâques.

« Chaque année, nous commençons par un Ndogou fraternel. Cette année, le Ramadan musulman et le Carême chrétien coïncident, créant ainsi un moment symbolique pour promouvoir la cohésion sociale et le dialogue entre nos communautés », explique Christian Ronald Kanfoudi, dit Bougoff, secrétaire général adjoint du collectif SCOA, particulièrement fier de l’organisation. « Ce geste est essentiel pour prouver qu’en dépit de nos différences religieuses, nous pouvons vivre ensemble dans le respect et l’amour de l’autre », a-t-il ajouté.
Le SCOA a pour la première fois organisé cet événement à Dakar, après des éditions précédentes à Mbour et Thiès. Le parrain de cette troisième édition, Borom Darou, a joué un rôle clé en accueillant la cérémonie dans sa maison, un geste largement salué par les organisateurs.
Le Ndogou a réuni non seulement des membres des communautés catholique et musulmane, venus de partout à travers le pays, mais aussi des jeunes de différentes confréries. Salmina Diouf, chargée de communication adjointe du SCOA, explique que la collecte de fonds et de dons a permis de servir près de 700 personnes. « Chaque année, notre budget augmente, mais l’essentiel est de voir la force du dialogue entre chrétiens et musulmans », souligne-t-elle, précisant que l’initiative cherche à toucher un maximum de jeunes pour renforcer les liens interreligieux.
« Tous des créatures de Dieu »

« Cet exemple reflète l’image du Sénégal et de son hospitalité. Nous sommes tous des créatures divines et devons respecter les croyances de chacun », a affirmé Borom Darou dans un discours touchant, lors duquel il était flanqué d’une sœur et d’un prêtre, appelant à une persévérance continue des jeunes sur la voie de la concorde et de la fraternité.
Selly Ba, sociologue et fervente défenseure du dialogue interreligieux, a également exprimé sa satisfaction en étant témoin de l’expression de ce vivre-ensemble qui peine à être une réalité dans certains pays africains.
« Dans un contexte de tensions religieuses et ethniques, des initiatives comme celle-ci sont essentielles pour cultiver la paix et la solidarité », a-t-elle expliqué, soulignant qu’il est crucial de multiplier ces actions communautaires, car « la politique ne fait pas tout ».
Les valeurs d’unité et de tolérance ont également résonné à travers les mots de Sœur Rose Evelyne Sarr, sœur à l’église Saint-Joseph d’Annecy, à Amitié 3, un quartier dakarois comptant une forte communauté chrétienne. Très émue et contente pour l’invitation dont elle a fait l’objet, elle s’est empressée de magnifier le jeûne concomitant entre fidèles des deux religions.

« Vivre le Carême et le Ramadan dans le même mois est une grâce. L’unité est primordiale pour avancer. C’est ce que nous devons cultiver, dans nos familles et nos communautés », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’événement envoie un message de paix à tous : « L’unité est essentielle, sans elle, il n’y a pas de progrès ».
En fin de soirée, les prières se sont mêlées aux rires et au partage de pain et de dattes, laissant apparaître que cette rencontre ne se résume pas seulement à un simple moment de rupture du jeûne. Le SCOA, qui se positionne ainsi comme un acteur clé du dialogue islamo-chrétien, prend date déjà pour la quatrième édition du Ndogou fraternel dont le parrain sera en 2026 un prêtre.
ODL/ac/Sf/APA