Selon l’Organisation non gouvernementale, les autorités tanzaniennes ont eu recours à plusieurs reprises à des mauvais traitements, à un usage excessif de la force, à des arrestations et détentions arbitraires et à des expulsions forcées contre les Maasaï.
C’est accablant. Dans un rapport intitulé ‘Nous avons tout perdu : expulsions forcées des Maasai à Loliondo, Tanzanie’, publié mardi, Amnesty International décrit comment les autorités tanzaniennes ont expulsé de force la communauté massaï de Loliondo, une division du district de Ngorongoro, dans la région d’Arusha (nord de la Tanzanie), le 10 juin 2022.
Les forces de sécurité ont expulsé violemment et sans procédure régulière la communauté maasaï de ses terres ancestrales à Loliondo, privant 70 000 personnes de l’accès aux pâturages dont dépendaient leurs moyens de subsistance.
« Ce rapport crucial révèle comment les forces de sécurité tanzaniennes ont eu recours à la force brutale pour expulser les Massaï de 1.500 kilomètres carrés de leurs terres ancestrales à Loliondo. Il met également en évidence le mépris total des procédures régulières et du consentement préalable, libre et éclairé des Maasaï concernés dans le cadre du processus décisionnel utilisé pour justifier les expulsions forcées », a déclaré Tigere Chagutah, Directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.
Arrestations massives et expulsions forcées brutales
Le 7 juin 2022, des centaines d’agents de sécurité de nombreuses agences gouvernementales se sont rendus à Loliondo à bord d’un convoi de véhicules motorisés, avant d’établir des camps dans le village d’Ololosokwan et de commencer à délimiter 1.500 kilomètres carrés à l’intérieur du territoire masaï. Le 10 juin, elles ont violemment dispersé des membres de la communauté masaï qui s’étaient rassemblés pour protester contre l’exercice de démarcation.
Les forces de sécurité ont tiré et lancé des gaz lacrymogènes sur les membres de la communauté masaï qui résistent à l’expulsion forcée, blessant au moins 40 personnes. Un policier, Garlus Mwita, a été tué par des personnes non encore identifiées, tandis qu’Oriaisi Pasilance Ng’iyo, 84 ans, membre de la communauté Masaï, est toujours porté disparu. Sa famille l’a vu pour la dernière fois allongé sur le sol après que les forces de sécurité lui ont tiré dans les deux jambes. Les autorités ont nié le détenir.
De nombreux membres de la communauté ont fui leurs maisons pour se cacher dans la nature. Ils se sont cachés pendant des semaines avec leurs proches dans la forêt et le parc national, sans se fixer dans un endroit précis, car ils se déplaçaient constamment pour faire paître leur bétail. Nombre d’entre eux ont fui le pays pour se rendre à Narok, dans le sud du Kenya. Les expulsions forcées et les déplacements qui en ont résulté ont perturbé l’éducation. En mai 2023, une soixantaine de familles vivaient encore à Narok, au Kenya. Elles vivent dans la pauvreté et n’ont pas accès à des moyens de subsistance. Les violations font désormais partie du quotidien de ceux qui ont été contraints de quitter leur foyer.
Début juillet 2022, 27 Maasai ont été arrêtés et injustement inculpés pour le meurtre de Mwita. Dix personnes ont été arrêtées le 9 juin, la veille du meurtre présumé, puis inculpées en relation avec sa mort. Les autorités ont également arrêté 132 personnes à Loliondo au motif qu’elles se trouvaient illégalement dans le pays.
Les 27 Maasai inculpés dans le cadre de l’affaire du meurtre et les 132 personnes inculpées pour séjour illégal dans le pays ont depuis été acquittés en raison du manque de preuves. Certains d’entre eux ont toutefois dû vendre leur bétail pour payer les frais de justice.
Les autorités ont restreint l’accès de la communauté et de ses animaux à leurs pâturages traditionnels. Le bétail appartenant aux membres de la communauté est saisi par les autorités chaque fois qu’il s’éloigne des terres délimitées et les propriétaires sont contraints de payer des amendes exorbitantes pour le faire libérer. Ceux qui ne peuvent pas payer les amendes voient leurs animaux vendus aux enchères par les autorités, ce qui les appauvrit.
Pendant et après les expulsions forcées de juin 2022, les autorités tanzaniennes ont empêché les médias et les ONG d’accéder aux zones touchées de Loliondo ou de rendre compte des expulsions.
Conservation et droits de l’homme
Le rapport remet également en question l’affirmation des autorités tanzaniennes selon laquelle leurs actions sont nécessaires à la conservation des terres et de la biodiversité. Il leur demande de veiller à ce que les populations autochtones se voient offrir un rôle de premier plan en matière de conservation, ce qui leur permettrait de protéger la terre en utilisant leurs connaissances traditionnelles, comme elles le font depuis des générations.
« Les autorités tanzaniennes doivent de toute urgence reconnaître et respecter les droits des Masaïs sur leurs terres ancestrales, leurs territoires et leurs ressources naturelles. Elles doivent respecter leurs obligations internationales et nationales en matière de protection des droits à un logement convenable, au rassemblement
pacifique, au consentement préalable, libre et éclairé, et à la non-discrimination. Au lieu de cela, nous avons constaté qu’elles ont expulsé de force les Maasaï de leurs terres ancestrales et ne leur ont offert aucune compensation », a déclaré Tigere Chagutah.
« Les autorités tanzaniennes doivent mener des enquêtes approfondies, impartiales, indépendantes, transparentes et efficaces sur toutes les allégations de violations des droits humains, notamment le meurtre du
policier Garlus Mwita, la disparition forcée d’Oriaisi Pasilance Ng’iyo, ainsi que les arrestations arbitraires massives et les meurtres aveugles de membres de la communauté masaï. Ils devraient également enquêter sur le rôle joué par les entreprises dans les expulsions forcées à Loliondo et permettre aux victimes d’accéder à la justice et d’obtenir des réparations efficaces » recommande le rapport.
NM/fss/ac/APA