Son incarcération en juillet 2021 avait déclenché, dans un contexte socio-économique morose, des violences sans précédent depuis l’avènement de la démocratie dans le pays en 1994, faisant plus de 350 morts.
Sa longévité malgré les scandales lui avait valu en Afrique du Sud le surnom de président «Téflon» : à 82 ans, Jacob Zuma est finalement devenu inéligible après une tentative ratée de retour en politique à l’occasion des élections générales du 29 mai.
Élu une première fois président en 2009, l’ancien pilier du Congrès national africain (ANC) avait été poussé à la démission avant la fin de son deuxième mandat en 2018, après une série de scandales. Six ans après avoir été chassé du pouvoir et avec un procès pour corruption toujours en cours, le politicien habile se présentait aux élections législatives en tant que tête de liste d’un nouveau petit parti d’opposition, baptisé du nom de l’ancienne organisation militaire de l’ANC, uMkhonto weSizwe (MK).
Au terme d’une saga judiciaire qui a accaparé la campagne, celui qui a maintes fois clamé ne pas «craindre la justice» a finalement été stoppé lundi par la Cour constitutionnelle, plus haute juridiction du pays, qui l’a déclaré inéligible en raison d’une condamnation à la prison. Cette même Cour l’avait condamné à quinze mois de prison en 2021 pour avoir obstinément refusé de témoigner devant une commission d’enquête sur la corruption rampante au cours de ses neuf années au pouvoir.
Ces dernières années, un juge s’était en effet lancé à ses trousses, accouchant en 2022 d’un rapport accablant mettant au grand jour le rôle central joué par Jacob Zuma dans le pillage des caisses de l’État pendant ses neuf années au pouvoir. Lui affirme être présenté à tort comme «le roi des corrompus». Il n’a pas encore été inquiété dans ce cadre.
Celui dont le deuxième prénom, Gedleyihlekisa, signifie en zoulou «il rit en broyant ses ennemis», n’a finalement passé qu’un peu plus de deux mois derrière les barreaux, bénéficiant d’une libération conditionnelle pour raison de santé puis d’une remise de peine.
Vacher autodidacte
Homme de réseaux et tacticien éprouvé, Jacob Zuma a toujours retenu un fervent soutien populaire, notamment dans son fief du KwaZulu-Natal (est). Son incarcération en juillet 2021 avait déclenché, dans un contexte socio-économique morose, des violences sans précédent depuis l’avènement de la démocratie dans le pays en 1994, faisant plus de 350 morts. Nombreux sont ceux qui redoutent un nouveau scénario catastrophe avec l’annonce de son inéligibilité.
Né le 12 avril 1942, l’ancien vacher autodidacte a été le premier chef d’État potentiellement polygame du pays. Marié six fois, il a quatre femmes et une vingtaine d’enfants. Fier de ses origines zouloues, grand danseur et chanteur remarquable, son sourire lors de ses apparitions publiques masque une patience de prédateur affinée dans les geôles de l’apartheid. Il a passé dix ans au bagne de Robben Island (sud-ouest), avec Nelson Mandela, du temps de la lutte contre l’apartheid. Il s’y découvre une passion pour les échecs. Libéré, Jacob Zuma dirige les services de renseignements de l’ANC clandestins.
Une fois l’ANC au pouvoir, «JZ» gravit les échelons et devient vice-président en 1999. Il finit par prendre le pouvoir en s’appuyant sur les syndicats et incarne à l’époque les espoirs de promotion des plus pauvres. Il sera plus tard reconnu coupable d’avoir fait payer par le contribuable des travaux dans sa luxueuse résidence privée.
En 2006, Jacob Zuma avait été acquitté du viol de la fille séropositive d’un de ses anciens compagnons de lutte. Il avait scandalisé le pays en affirmant avoir «pris une douche» après un rapport non protégé, pensant ainsi minimiser le risque d’une contamination au VIH. Ce témoignage lui vaut, aujourd’hui encore, d’être croqué par le caricaturiste sud-africain Zapiro avec un pommeau de douche au-dessus de son crâne chauve.
L’ex-président est encore jugé dans une affaire de pots-de-vin remontant à 1999 impliquant le groupe français Thales.
Avec AFP