Sous Donald Trump, l’Afrique est presque redevenue un angle mort de la politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique sauf dans le domaine militaire.
Entre le 45e président des USA et l’Afrique, ce n’était pas le grand amour. Alors là, pas du tout ! Durant son premier mandat, Donald Trump a reçu la visite de trois présidents du continent noir (Nigeria, Egypte et Kenya), mais n’a pas foulé le sol africain. Une première ? Non, puisque deux de ses trois prédécesseurs avaient adopté la même stratégie.
Elu en 1993 puis reconduit en 1996, Bill Clinton a effectué une tournée africaine en 1998. Celui qui était convaincu, qu’avant lui, « aucun président américain n’a fait de voyage sérieux en Afrique », s’était rendu au Ghana, en Ouganda, au Rwanda, en Afrique du Sud, au Botswana et au Sénégal.
Idem pour Barack Obama qui a attendu son dernier mandat pour venir en Afrique. En 2013, le 44e président américain, dont le père est originaire du Kenya, est allé au Sénégal, en Afrique du Sud et en Tanzanie.
Seul George W. Bush a traversé deux fois l’océan Atlantique en 2003 et 2008 pour rejoindre l’Afrique. Au total, le Républicain a visité dix pays. Il s’agit du Sénégal, de l’Afrique du Sud, du Botswana, de l’Ouganda, du Nigeria, du Bénin, du Liberia, du Ghana, de la Tanzanie et du Rwanda.
S’il n’y a pas eu de contact direct entre Trump et l’Afrique, c’est parce que le président sortant « n’a jamais fait mystère de son total manque d’intérêt pour le continent noir » analyse, dans une Tribune publiée par Jeune Afrique, Aminata Touré, ancienne Première ministre du Sénégal.
Par mépris ou par ignorance, l’ex-locataire de la Maison Blanche a même déformé le nom d’un pays africain. Car la Namibie est devenue « Nambia ». Plus grave, en janvier 2018, il aurait traité les Etats africains de « pays de merde » au cours d’une réunion sur l’immigration tenue dans le bureau ovale.
Cette injure, selon l’ancienne Présidente du Conseil Économique, Social et Environnemental du Sénégal (CESE), « a au moins eu le mérite d’être clair et de ne point entretenir d’enthousiasme débordant quant aux perspectives de coopération entre les États-Unis d’Amérique et l’Afrique durant la présidence de Trump. Et il en fut bien ainsi ».
En fait, Donald Trump a appliqué à outrance le concept de l’America First (l’Amérique d’abord) du président Woodrow Wilson en fixant cinq grands principes dans sa politique étrangère : nationalisme, unilatéralisme, militarisme, protectionnisme et développement des relations bilatérales sur la base d’affinités idéologiques, d’après l’historienne Maya Kandel.
Concrètement, le magnat de l’immobilier a inversé la hiérarchie des priorités des Etats-Unis en Afrique établie par Obama. En effet, l’administration Trump a mis l’accent sur la sécurité avec en toile de fond la lutte contre le terrorisme.
C’est pourquoi, les militaires américains ont multiplié les frappes en Somalie. Dans ce pays de la Corne de l’Afrique, les groupes affiliés à l’organisation Etat islamique (EI), comme les Shebab, étaient constamment ciblés.
Dans le Sahel, les Etats-Unis sont aux côtés de la France dans le cadre de l’opération Barkhane. Le pays de l’oncle Sam apporte à son allié historique son soutien dans la logistique, le ravitaillement et la surveillance avec notamment des drones capables d’intercepter des communications.
Considérant le Niger comme un « lieu stratégique au carrefour de trois fronts terroristes dont les bases sont en Libye, au Mali et au Nigeria », le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) y compte 730 hommes. Dans sa guerre contre le terrorisme international, l’Amérique avait déjà implanté, à Djibouti, une base militaire où sont déployés des milliers de soldats.
« Daech, Al-Qaïda et leurs affiliés opèrent et recrutent tous sur le continent africain, et y organisent des attentats contre des citoyens et des cibles américains. Toute bonne stratégie américaine vis-à-vis de l’Afrique doit s’attaquer à cette grave menace de manière globale », a martelé John R. Bolton, l’ex-conseiller de Trump à la Sécurité nationale. C’était lors de la présentation de la nouvelle stratégie pour l’Afrique.
Sur le plan économique, les Etats-Unis voulaient tirer profit des opportunités commerciales du continent africain. Mais le président américain, obnubilé par sa promesse de campagne – redonner sa grandeur à l’Amérique – a misé sur le protectionnisme en révisant l’Agoa (Loi sur la croissance et les opportunités en Afrique).
En représailles à la décision du Kenya, du Rwanda, de l’Ouganda et de la Tanzanie portant sur l’augmentation des taxes appliquées aux fripes américaines afin de protéger leurs marchés intérieurs du textile, Donald Trump a exercé une pression sur ces pays. Le Rwanda a payé au prix fort son inflexibilité puisque les USA ont suspendu, le 30 août 2018, « l’application de l’exonération des droits de douane pour tous les vêtements en provenance » du pays de Paul Kagamé.
Et M. Bolton a justifié cette démarche en ces termes : « Dans le cadre de leurs relations économiques, les États-Unis ne demandent que la réciprocité. Jamais la soumission ». Mais une telle requête est un couteau à double tranchant pour les économies africaines qui risquent d’être submergées par les produits américains. Ce qui, forcément, va pousser de nombreuses entreprises locales à mettre la clef sous la porte.
Pour l’exclusion de la Mauritanie de l’Agoa, Washington a invoqué une autre raison : « La persistance de pratiques esclavagistes ». En 2019, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l’Afrique étaient évalués à 56,8 milliards de dollars. C’est une baisse de 8,7 % par rapport à l’année précédente. Dans le but de contester la montée en puissance en Afrique de la Chine, et dans une moindre mesure de la Russie, Mike Pompeo, le Secrétaire d’État américain, a séjourné cette année au Sénégal, en Angola puis en Éthiopie.
Sans faire de la promotion de la bonne gouvernance, son cheval de bataille sur le continent, l’Amérique sous Trump veillait néanmoins « à ce que les dollars des contribuables américains au titre de l’aide soient utilisés de manière efficiente et efficace ». Ainsi, seuls quelques pays clés ont pu bénéficier de l’aide de l’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID).
ID/te/APA