Une pirogue retrouvée en haute mer au large de Dakar, avec un nombre important de cadavres en décomposition à bord, provoque l’émoi depuis ce lundi.
Sur la plage des Mamelles à Ouakam, une commune côtière de Dakar, l’effervescence est inhabituelle ce lundi 23 septembre. Des rumeurs circulent depuis la veille au sujet d’une découverte macabre en mer. Une pirogue à la dérive, avec de nombreux cadavres à bord, a été découverte en haute mer par un pêcheur qui a alerté les autorités. Selon plusieurs sources, les personnes décédées tentaient d’aller en Espagne. Les premières pensées se sont tournées vers Ouakam pour guetter des corps qui pouvaient être rejetés sur la plage ou l’accostage de la pirogue par les équipes de secours.
Cependant, les pêcheurs locaux insistent pour corriger ces premières informations. « Certains de tes confrères sont venus ici, je leur ai demandé de partir à Yoff (localité située à proximité), où habite le pêcheur qui a découvert la pirogue remplie de cadavres de migrants clandestins », raconte un homme présenté comme le président du quai de pêche, encore hanté par un incident tragique survenu en juillet 2023, lorsqu’une pirogue chavira au large de Ouakam, emportant 17 vies.
Les témoins locaux, bien que distants de l’incident principal, n’en restaient pas moins concernés. Ibrahima Wade, maître-nageur chevronné de la plage, confie avoir immédiatement alerté la gendarmerie en apprenant la nouvelle. Vêtu du maillot de l’Union sportive de Ouakam, le club local qui a rejoint l’élite du football sénégalais l’année dernière, il explique que l’embarcation macabre se trouve à quelque 3 000 pieds de la plage.
« Il y a beaucoup de cadavres et des survivants à bord. Il est crucial que les autorités interviennent rapidement », a-t-il déclaré, alors que les informations rapportées par des médias indiquent que toutes les personnes à bord de cette pirogue sont mortes et en état de décomposition. C’est ce que confirme d’ailleurs la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA) ce lundi dans un communiqué qui fait état de la découverte, la veille, d’une « pirogue à la dérive » avec des corps sans vie à environ 70 kilomètres au large de Dakar.
Trente corps déjà « dénombrés »
Le patrouilleur « Cayor » de la Marine nationale a été déployé sur place, remorquant l’embarcation vers la rade extérieure du port de Dakar où le convoi est arrivé lundi matin. A l’arrivée, les équipes de secours et de santé se sont retrouvées face à une scène terrifiante. Seuls trente corps en « état de décomposition avancée » ont pu être « dénombrés » pour le moment.
L’armée souligne que des investigations sont en cours pour déterminer l’origine exacte de la pirogue et les circonstances de ce drame, qui rappelle la périlleuse route migratoire vers l’Europe, souvent fatale pour ceux qui tentent de fuir la misère en Afrique subsaharienne au péril de leur vie.
Wade donne une première piste aux enquêteurs, indiquant que la pirogue pourrait provenir de la Casamance (sud), un point de départ habituel pour les migrants clandestins se dirigeant vers les Îles Canaries. Toutefois, le dernier naufrage de pirogue de migrants qui a endeuillé le pays s’est produit début septembre à Mbour, à l’ouest du pays, avec une quarantaine de corps repêchés.
Wade exhorte dès lors l’Etat à renforcer les moyens de surveillance, en travaillant surtout avec les maîtres-nageurs, comme lui, qui ont l’habitude de fréquenter la plage. Il suggère également des mesures sévères contre les réseaux de passeurs qui montent le plus souvent les projets de voyage sur les plages.
Un peu plus loin, un groupe de jeunes hommes assis autour d’un thé semble comme habité par l’émotion de la nouvelle macabre rapportée près de leur quartier. Arkel, un habitant de la localité, témoigne de la peur ressentie lorsqu’il a entendu la nouvelle. « A minuit, on nous a informés de la pirogue remplie de cadavres. C’est vraiment triste », dit-il, ajoutant que ce n’est pas la première fois qu’un tel drame se produit ici.
Avec ses amis, ils ont tenté de chercher, durant la nuit, des corps échoués, mais en vain. Il en appelle aux nouvelles autorités pour endiguer les départs clandestins qui prennent des proportions inquiétantes, notamment parmi les jeunes.
ODL/Sf/te/APA