Le géant minier Barrick Gold Corporation, acteur clé de l’extraction aurifère en Afrique, est au centre d’un différend juridique avec l’État malien.
Alors que la société a saisi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), les dirigeants de Barrick, dont son PDG Mark Bristow et le directeur général du complexe minier de Loulo-Gounkoto, Cheikh Abass Coulibaly font face à des accusations de blanchiment de capitaux, avec des mandats d’arrêt internationaux émis à leur encontre.
En 2023, une série de réformes ambitieuses a été introduite pour renforcer les revenus fiscaux et les dividendes tirés des entreprises étrangères. Ces mesures incluent une révision des conventions minières et un encadrement plus strict des transferts financiers.
Ces réformes ont provoqué des tensions avec Barrick Gold, principal exploitant du complexe Loulo-Gounkoto. Ce site, situé dans l’ouest du pays, est l’un des plus grands gisements aurifères d’Afrique de l’Ouest, contribuant de manière significative aux revenus miniers du Mali.
Les tensions ont atteint un nouveau sommet en ce mois de décembre lorsque la justice malienne a émis des mandats d’arrêt internationaux contre Mark Bristow, PDG de Barrick Gold Corporation et Cheikh Abass Coulibaly, directeur général du complexe Loulo-Gounkoto.
Les deux dirigeants sont accusés de blanchiment de capitaux, en lien avec un litige portant sur les bénéfices revenant à l’État malien. Ces accusations s’ajoutent à celles déjà formulées à l’encontre de quatre cadres maliens de la société, qui ont été arrêtés et placés sous détention en novembre 2024.
Le gouvernement malien affirme que Barrick doit 300 milliards de FCFA (environ 512 millions de dollars) en arriérés d’impôts et dividendes. Il reproche également à l’entreprise des transferts financiers jugés irréguliers et contraires aux lois locales.
Barrick Gold a réagi avec fermeté, rejetant toutes les accusations. La société affirme avoir scrupuleusement respecté les clauses contractuelles et les lois maliennes en vigueur. Selon elle, ces accusations relèvent d’une tentative de pression politique visant à modifier les conditions de leurs accords.
Ce conflit juridique pourrait avoir des répercussions profondes pour les deux parties. Pour le Mali, la suspension potentielle des activités de Barrick pourrait priver le pays d’une source clé de revenus fiscaux et de devises étrangères.
Loulo-Gounkoto génère chaque année des centaines de millions de dollars pour l’économie malienne et emploie des milliers de personnes, directement et indirectement.
Pour Barrick Gold, une interruption des opérations au Mali pourrait réduire les bénéfices de l’entreprise de 11 % en 2025, selon des analystes financiers.
La crise pourrait également ternir l’image de Barrick auprès de ses investisseurs et compliquer ses relations avec d’autres pays hôtes.
L’arbitrage international et ses limites
Le recours au CIRDI, basé à Washington, offre une plateforme neutre pour résoudre les différends entre investisseurs et États. Barrick espère obtenir une compensation financière significative pour les pertes subies et rétablir ses droits d’exploitation au Mali.
Cependant, ce processus peut être long et coûteux. Les procédures devant le CIRDI durent souvent entre trois et cinq ans. Un jugement défavorable à Barrick pourrait également dissuader d’autres investisseurs de venir au Mali, renforçant la perception d’un environnement économique incertain.
Ce litige illustre les tensions persistantes entre les pays africains et les entreprises multinationales dans la gestion des ressources naturelles. Le Mali, à l’instar d’autres États africains, cherche à tirer un meilleur parti de ses richesses minières pour financer son développement. Cependant, cette quête d’autonomie économique peut se heurter à des intérêts étrangers bien établis.
Pour le Mali, l’issue de ce conflit constituera un test de sa capacité à équilibrer souveraineté nationale et attractivité pour les investisseurs étrangers. Quant à Barrick, ce différend pourrait redéfinir ses stratégies sur le continent africain, où les risques politiques restent élevés.
MD/te/Sf/APA