L’ancien Premier ministre socialiste, Abderrahmane El Youssoufi, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi.
Qui était Abderrahmane El Youssoufi, cet homme dont la disparition dans la nuit de jeudi à vendredi a attristé les Marocains ? Figure historique de la gauche socialiste, Abderrahmane El Youssoufi est né à Tanger le 8 mars 1924. Lycéen à Rabat, la capitale, il n’a pas vingt ans quand il décide de rallier le Mouvement national, fer de lance de la lutte pour l’indépendance du Royaume chérifien alors sous protectorat franco-espagnol depuis 1912. Cet engagement précoce le propulse, au lendemain de l’indépendance acquise en 1956, au sein du Secrétariat général de l’Union Nationale des Forces Populaires (UNFP), devenue Union Socialiste des Forces Populaires (USFP) en 1975, une scission menée par l’aile gauche du parti historique indépendantiste Istiqlal.
Brillant intellectuel, El Youssoufi est même promu Rédacteur en chef du journal « Attahrir » (Libération) créé par cette formation alors radicalement ancrée à gauche. Un poste qu’il occupe de 1959 à 1965.
Mais son militantisme lui a valu des ennuis judiciaires. Entre 1960 et 1963, il a fait l’objet de nombreuses arrestations sous le règne du Roi Hassan II, alors au début de son règne.
Abderrahmane El Youssoufi a ainsi été condamné par contumace, avec l’ensemble des membres de la commission administrative de l’UNFP, à deux ans de prison avec sursis pour complot contre le régime.
À la suite de l’assassinat en France du leader socialiste Mehdi Ben Barka en 1965, il se rend à Paris pour participer à l’organisation du procès. C’est alors le début d’un exil de quinze ans en France.
Durant cette période, il est poursuivi par contumace, lors du grand procès de Marrakech tenu entre 1969 et 1975, pour complot. Dans son réquisitoire, le Procureur requiert contre lui la peine de mort.
A la faveur d’une grâce royale, il rentre au Maroc en 1980. El Youssoufi s’installe ensuite au sommet de l’USFP après le décès de son ami Abderrahim Bouabid.
Au courant de cette décennie, en signe de protestation contre la gestion des dernières élections législatives, il repart en exil volontaire à Cannes, dans le sud de la France. A la faveur de négociations secrètes avec le pouvoir, il rentre au Maroc quelques années plus tard et reprend son poste de Premier Secrétaire de l’USFP.
A la suite de nouvelles élections législatives et d’un compromis « historique » avec le Roi Hassan II, il parvient à prendre la tête d’un gouvernement dit d’alternance. Une première pour un opposant au Maroc et dans le monde arabe. Nous sommes en 1998.
Avec un mandat du Roi Hassan II, il présente, le 14 mars de la même année, la liste du gouvernement au Souverain.
Après la mort d’Hassan II, son fils aîné et héritier constitutionnel, Mohammed VI lui renouvelle sa confiance, non sans lui rendre un hommage remarqué.
Reconduit dans ses fonctions de Premier ministre le 6 septembre 2000, Abderrahmane El Youssoufi restera à ce poste jusqu’au 9 octobre 2002. Un an plus tard, il se retire de la direction de son parti et de… la vie politique.
Son nom est à jamais lié à l’histoire du Maroc. Aux yeux d’une bonne frange de la population, son gouvernement est celui ayant mis le Royaume sur les rails du progrès en lançant de nombreux projets politiques et économiques. L’ancien opposant socialiste a réconcilié le grand public avec la politique.
« El Youssoufi était un homme politique exceptionnel », répètent aujourd’hui bon nombre de médias et d’hommes politiques.
Le Roi Mohamed VI, qui l’apprécie particulièrement, a même tenu à inaugurer à Tanger, en 2016, une avenue portant le nom du défunt.
Un hommage rarement rendu au Maroc à un homme de son vivant. Abderrahmane El Youssoufi, qui avait 96 ans, a été enterré dans la journée de vendredi.
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