Ces dernières années, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a été témoin d’une curieuse tendance d’anciens présidents qui tentent de revenir au pouvoir après la fin de leur mandat.
Ce phénomène reflète une interaction complexe entre aspirations politiques, soutien de l’opinion publique et, parfois, désespoir de retrouver une influence perdue.
Parmi les figures notables de cette tentative, il y a Jacob Zuma en Afrique du Sud, Ian Khama au Botswana, Edgar Lungu en Zambie et maintenant Peter Mutharika au Malawi, qui a récemment été choisi pour conduire le Parti démocratique progressiste (DPP) à l’élection présidentielle de l’année prochaine.
Âgé de 84 ans, le projet de Mutharika de revenir sur la scène politique a fait sourciller. Il a été président du Malawi de 2014 jusqu’à sa défaite face à Lazarus Chakwera en 2020.
Cependant, porté par les appels de ses partisans qui affirment qu’il est l’homme qu’il faut pour « sauver le pays » de l’administration actuelle, le changement d’avis de Mutharika est emblématique d’une tendance plus large parmi les anciens dirigeants d’Afrique australe.
La défaite de Mutharika en 2020 fait suite à une élection tumultueuse entachée d’allégations de fraude généralisée. La Cour constitutionnelle du pays avait annulé le scrutin de l’année précédente, invoquant de nombreuses manipulations, notamment l’utilisation notoire de liquide correcteur Tipp-Ex sur les bulletins de vote.
Cette décision courageuse du pouvoir judiciaire d’invalider les résultats de l’élection lui a valu de nombreuses félicitations.
L’annonce, cette semaine, de la nomination de Mutharika à la tête du DPP devrait ouvrir la voie à une revanche très attendue contre Chakwera en 2025.
Mutharika n’est pas le seul à vouloir revenir au pouvoir. L’ancien président sud-africain, Jacob Zuma a fait la Une des journaux en tentant de reprendre le pouvoir avec la création d’Umkhonto weSizwe (MK), un parti composé de membres mécontents du Congrès national africain (ANC).
Sa tentative de retour a toutefois été freinée par des obstacles juridiques qui l’ont empêché de se présenter à l’élection présidentielle de mai dernier.
Malgré un procès pour corruption, l’influence de Zuma reste puissante, illustrant la demande persistante de son leadership parmi les segments de la société sud-africaine.
Après avoir remporté plus de 14 % des suffrages lors du scrutin de mai, le MK est devenu le troisième parti du pays.
De même, Ian Khama, qui a été président du Botswana de 2008 à 2018, a laissé entrevoir un retour sur la scène politique après avoir pris ses distances avec son successeur, Mokgweetsi Masisi.
Ses critiques à l’égard du leadership de Masisi ont trouvé un écho auprès d’une faction du Parti démocratique du Botswana, relançant ainsi les discussions sur son retour potentiel.
L’ancien dirigeant du Botswana vit en exil volontaire depuis quelques années et accuse le gouvernement de Masisi de le persécuter.
Edgar Lungu, qui a dirigé la Zambie de 2015 jusqu’à sa défaite en 2021, veut également revenir au pouvoir.
Bien que son administration ait été critiquée pour sa gestion de l’économie, les récentes actions de M. Lungu indiquent son intention de revenir dans la mêlée politique, avec l’appui d’une base d’électeurs fidèles au Front patriotique qui aspirent toujours à son leadership.
La tendance des anciens présidents à vouloir reprendre le pouvoir met en lumière un défi plus large au sein de la politique de l’Afrique australe, et même de l’Afrique.
Bien que ces dirigeants bénéficient souvent d’un solide soutien, comme Mutharika, qui affirme pouvoir « renverser un gouvernement incompétent », les critiques affirment qu’il est temps de voir émerger des dirigeants plus jeunes et plus dynamiques.
Le rival de Mutharika, Chakwera, n’a que 69 ans et a dû faire face à la pression des électeurs frustrés par la difficulté de son administration à tenir ses promesses, notamment en matière de création d’emplois et de lutte contre la corruption.
Les paysages politiques étant en constante mutation et les aspirations des citoyens évoluant, il reste à voir si ces anciens présidents peuvent effectivement tirer parti de leur expérience pour regagner de l’influence ou si les appels à un nouveau leadership l’emporteront.
JN/lb/te/APA