Les Gambiens ont toujours eu une peur bleue des Junglers, mais depuis l’exil de Yaya Jammeh suivi des auditions de la Commission vérité, réconciliation et réparation (TRRC), ils mesurent avec effroi l’ampleur des crimes commis par la milice de l’ex dictateur.
Au fur et à mesure des aveux, les Gambiens en connaissent de plus en plus sur la nature de leurs forfaits et la manière dont Jammeh durant ses 22 ans de règne sur la Gambie recrutait, armait et protégeait les Junglers (littéralement, hommes de la jungle).
Nés de la fusion d’éléments de la garde présidentielle triés sur le volet et de membres d’une équipe de patrouilleurs spécialisés dans la lutte contre le crime et le terrorisme frontaliers, les Junglers ont commencé à faire parler d’eux lors de la grande purge opérée par Yaya Jammeh, au sortir du coup d’Etat manqué contre son régime en 2006.
Après avoir aidé le dictateur à neutraliser tous ceux qui de prés ou de loin ont trempé dans ce putsch, les Junglers ont continué sur leur lancée en devenant tout court son bras armé. Dés lors tous les ennemis ou supposés comme tels de Jammeh sont traqués, arrêtés et tués : opposants politiques, journalistes, agents du renseignement, étrangers et … chauffeurs de taxi. Qu’importe la position sociale ou les fonctions de l’individu ciblé, il suffit simplement qu’il se dresse sur le chemin du dictateur ou l’empêche de régner en toute tranquillité.
Face à l’ampleur des crimes à commettre, les Junglers augmentaient constamment de nombre. Ils étaient recrutés selon des critères connus des proches de Yaya Jammeh lequel commanditait via des intermédiaires les expéditions punitives à mener. A ce propos, on cite avec insistance Nuha Badjie, présenté comme le chef des Junglers et qui apparemment a fui la Gambie.
Si ce dernier était plus ou moins connu, les hommes placés sous ses ordres l’étaient moins. Et pour cause, le mode opératoire des Junglers ainsi que leur mode d’existence étaient basé sur la discrétion. Le secret était tellement de mise que beaucoup de Junglers ne se connaissaient pas. Il est vrai qu’à leur recrutement ils devaient jurer sous serment de faire preuve de discrétion et de garder le secret sur les activités de la milice…
C’est sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue que les Junglers, une fois la cible identifiée, entraient en action et n’avait de cesse de la traquer jusqu’à son élimination. Ainsi en fut-il du propriétaire et rédacteur en chef d’un journal, Deyda Hydara. Une des premières victimes de la milice, il a été abattu en décembre 2004 alors qu’il était au volant de sa voiture.
S’expliquant devant la Commission, l’ex Jugler, Malick Jatta, a expliqué qu’il y a eu d’abord « quelques opérations de reconnaissance », puis une filature à bord d’un taxi banalisé et ensuite des tirs mortels sur le journaliste. Bénéficiant de la couverture du régime, les assassins tout comme leur taxi ne seront jamais retrouvés, a ajouté Jatta.
A défaut de balles de pistolet, les Jungles avaient d’autres méthodes de mise à mort comme la strangulation ou la suffocation. C’est de cette manière que Baba Jobe, un ancien allié de Jammeh, a été tué, selon l’ex-Jungler, Amadou Badjie.
La torture était également monnaie courant dans les pratiques de la milice, a relevé l’ex-Junguler, Amadou Badjie, soulignant qu’elle permettait d’arracher aux suppliciés des informations ou de les obliger à reconnaître des malversations commises ou qu’on désirait les voir commettre.
Devant la même instance, Omar A. Jallow, un autre Jungler, a avoué avoir participé au massacre de 48 personnes, pour la plupart des civils. A l’en croire, la milice a toujours compté au moins 30 membres, en dépit de son constant renouvellement.
Tout ce déballage renforce les Gambiens dans la peur que leur suscitait au temps du règne de Jammeh les défunts Tumbul Tamba, Sanna Manjang et Musa Jammeh. Ce dernier était connu sous le nom de Malyamungu (du nom du bourreau en chef d’Amin Dada).
Cette peur des Gambiens est en train de se muer en une immense angoisse devant les rumeurs de libération de Malick Jatta, Omar A. Jallow et Amadou Badjie, après leur audition par la Commission vérité, réconciliation et réparation. Pendant ce temps, d’autres notoires Junglers comme Sanna Manjang, Michael Sang Correa, Muhammed Sambou et Paul Bojang sont introuvables. Ils auraient même, d’après les rumeurs, quitté le pays.
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