Le journaliste d’investigation français, Jean-François Dupaquier et son compatriote Vincent Duclert, président de la nouvelle Commission de chercheurs chargée d’enquêter sur le rôle controversé de Paris dans le génocide contre les Tutsis au Rwanda en 1994, ont entretenu vendredi à Kigali, avant-veille de la commémoration du 25e anniversaire de cette tragédie, une brève polémique sur la volonté de leur pays de « faire triompher » la vérité concernant les archives de la période 1990-1994.
Terminant une première intervention sur le rôle « haineux » des médias dans ce génocide, à la clôture d’un colloque international sous le thème : « Préservation de la mémoire, un combat de l’humanité », M. Dupaquier a expliqué que son pays pouvait « progresser en continuant à faire triompher la vérité » sur cette tragédie qui a emporté environ 800 mille personnes, majoritairement des Tutsis, au Rwanda, en 1994.
Assis au fond de la salle Intare Conference Arena, Vincent Duclert a attaqué par la suite une partie du discours de son compatriote journaliste, à qui il reproche de s’appuyer sur des « rumeurs » pour argumenter.
Ce dernier, par ailleurs professeur associé à Sciences Po, a été nommé aujourd’hui par le président Emmanuel Macron à la tête d’une équipe de neuf chercheurs et historiens chargés de faire la lumière sur le rôle controversé de Paris dans cette tragédie, et apaiser la relation avec Kigali.
« Aucun spécialiste du Rwanda »
Analysant la composition de cette équipe, le magazine JeuneAfrique n’a trouvé « aucun spécialiste du Rwanda », notant par ailleurs que « la commission a beaucoup fait réagir la communauté historienne ces derniers jours, après l’annonce de la mise à l’écart de deux des principaux spécialistes français du sujet : Stéphane Audoin-Rouzeau directeur d’études à l’EHESS, et Hélène Dumas, chargée de recherche au CNRS et seule experte à maîtriser le kinyarwanda », la langue locale du Rwanda.
Cependant, cette commission aura accès à « toutes les archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994 », a assuré vendredi au palais présidentiel de l’Elysée le président Macron, repris par la presse, au moment où il recevait des représentants d’Ibuka France, une association de soutien aux victimes et rescapés du génocide.
Pour Vincent Duclert, s’exprimant pour sa part depuis la capitale rwandaise, cette commission qu’il va diriger « sera indépendante et ne cherchera que la vérité ».
Par ailleurs dans un second panel à cette salle de Kigali, la procureure française Aurélia Davos a répondu à une interpellation sur le faible taux de procès organisés dans son pays alors que « la France héberge la plupart des gens suspectés » d’être mêlés au génocide, selon l’avocat franco-rwandais Richard Gisagara, qui constate que ce pays « n’a rien fait pour amener ces personnes devant la justice » ou les extrader.
Mais pour Mme Davos en revanche, la France n’avait pas la « compétence » juridique pour juger des affaires liées au génocide rwandais après que les premières plaintes furent « déposées en 1995 »… en dépit également qu’aujourd’hui dans son pays « la justice n’a pas beaucoup de moyens ».
« Indécence »
Une remarque sur laquelle l’a attaquée une intervenante qui a trouvé « indécent (de la part de la Française) d’être au Rwanda et dire que la Justice est chère ». Selon elle, en effet le « tort commis est beaucoup plus cher ».
Le président français, Macron, ne sera pas présent dimanche à Kigali pour la 25e commémoration du génocide commis contre les Tutsis, préférant mandater le député LREM (son parti) Hervé Berville avec une délégation pour le représenter.
M. Berville est un orphelin tutsi né en 1990 et évacué de son pays par l’armée française au début du génocide des Tutsis au Rwanda de 1994, avant d’être adopté par un couple de Bretons.
Par ailleurs, malgré le rôle controversé de la France dans le génocide, un rapprochement a été noté ces derniers mois avec le Rwanda, d’où cet acte de représentation de Hervé Berville dans la commémoration du 7 avril.
ODL/te/APA