L’universitaire Kaïs Saïed a, selon les estimations provisoires, remporté l’élection présidentielle en Tunisie avec plus de 70% des voix. Partisan d’une véritable révolution institutionnelle, ce juriste de 61 ans prône un renversement de la pyramide des pouvoirs au profit de « conseils locaux ».
Porté par une jeunesse avide de changement et qu’il n’a pas manqué de féliciter pour avoir « ouvert une nouvelle page de l’histoire » de la Tunisie en le portant à la magistrature suprême, Kaïs Saïed appelle à se « libérer » des « concepts classiques » incarnés par les partis politiques et la démocratie représentative.
Il entend ainsi impulser, par des assemblées locales, une gouvernance inversée qui ferait du terrain un lieu démocratique de force de proposition, loin du Parlement. De façon plus concrète, il s’agira de « remplacer l’Assemblée parlementaire par une grande Assemblée des régions où les représentants seront désignés localement », souligne l’analyste politique franco-tunisien, Samy Ghorbal.
Mais pour mettre en œuvre cette réforme, fait remarquer l’expert, le très probable nouvel homme fort de Tunis devra obtenir la majorité des 2/3 du Parlement actuel. Cela signifie qu’il demanderait aux députés de voter une révision de la Constitution qui dissoudrait le parlement et « ça s’est compliqué », estime Samy Ghorbal.
« Ce qui est en train de se faire, même d’un point de vue constitutionnel, reste une très grande inconnue parce que la Constitution de 2014, qui est l’œuvre des partis, prévoit des procédures de révisions de la Constitution très compliquées », poursuit l’analyste franco-tunisien.
Nationaliste arabe convaincu, Kaïs Saïed, 61 ans, est né dans une famille originaire de Beni Khiar sur la côte est de la Tunisie. Fils d’un fonctionnaire municipal et d’une mère juriste mais restée au foyer, il grandit à Rhadès, banlieue sud de Tunis. Il est un pur produit de l’enseignement public tunisien.
Après l’obtention d’un diplôme à l’Académie internationale de Droit public à Tunis, il a brièvement dirigé une Faculté de Droit public à Sousse (centre-est). L’enseignant-assistant rejoint ensuite en 1999, la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de Tunis où il a pris sa retraite l’année dernière.
Partisan de l’application de la peine de mort, hostile à la dépénalisation de l’homosexualité et à l’égalité homme-femme dans l’héritage, il n’hésite pas à afficher son conservatisme moral et religieux et son opposition à toute coopération avec Israël dont il considère toute relation comme un acte de « haute trahison ».
Spécialiste du Droit constitutionnel, Kaïs Saïed, surnommé « Robocop » par ses partisans du fait de sa diction saccadée, est père de deux filles et d’un garçon. Ses anciens étudiants gardent de lui sa dévotion : « Il pouvait passer des heures en dehors des cours pour expliquer tel point ou pour faire comprendre la note d’un examen », témoigne l’un d’eux sur Twitter.
ARD/Dng/APA