Les grandes lignes du nouveau modèle universitaire marocain, ses priorités et ses enjeux, mais aussi la coopération universitaire avec les pays africains, le ministre marocain de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, Abdellatif Miraoui, nous livre sa vision sur le Plan d’accélération de la transformation de l’écosystème d’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation (PACTE ESRI 2030), un projet ambitieux qui le tient à cœur dans la perspective de propulser le Maroc au rang des nations pionnières à forte capacité d’innovation et à haute valeur ajoutée sur les plans académique et scientifique.
Par Hicham Alaoui
Dans cet entretien accordé à l’Agence de Presse Africaine (APA), M. Miraoui évoque également la coopération avec les pays africains dans le domaine universitaire et ses perspectives d’avenir. Entretien.
– Vous avez élaboré durant la première année de votre entrée au gouvernement le Pacte Esri 2030, qui constituera une révolution dans l’enseignement universitaire au Maroc, Qu’en est-il de son lancement et des axes qui le composent ?
Comme vous le savez, le Maroc est résolument engagé dans une dynamique de progrès prometteuse qui requiert, pour son déploiement réussi, une action forte en termes de capacitation du capital humain et le renforcement de sa qualité et de sa résilience. La mise en œuvre du PACTE ESRI s’inscrit pleinement dans cet objectif prioritaire.
A titre de rappel, ce PACTE s’aligne sur les priorités du programme gouvernemental et intègre les objectifs de la vision 2015-2030, portée par la Loi Cadre 51.17, et se nourrit des recommandations du nouveau modèle de développement.
La finalité première de ce PACTE est d’aligner l’écosystème universitaire marocain sur le modèle international de l’université, qui, faut-il le souligner, consacre le primat à la capacitation et à l’apprentissage tout au long de la vie. Pour la conception de ce PACTE, nous avons adopté une approche participative, mobilisatrice de l’intelligence collective et impliquant l’ensemble des parties prenantes à l’échelle nationale et territoriale ainsi que la diaspora scientifique, compte tenu de son apport potentiel précieux à ce chantier d’envergure.
Grâce à cette démarche de co-construction, nous avons élaboré l’architecture globale du nouveau modèle pédagogique porté par le PACTE, axé sur le numérique et les innovations pédagogiques. Ce modèle accorde une importance particulière au développement des Power Skills (compétences linguistiques, transversales et digitales), au même titre que les compétences disciplinaires.
Il est assorti de dispositifs à même de garantir la réussite du parcours académique de l’étudiant et de favoriser son épanouissement (mobilité nationale et internationale, activités para-universitaires diversifiées…). Nous avons aussi défini les axes prioritaires d’une feuille de route pour impulser la recherche scientifique et l’innovation, à travers la préparation d’une nouvelle génération de doctorants-moniteurs, la création d’instituts nationaux de recherche thématiques couvrant les domaines de souveraineté (santé, eau, énergie, technologies numériques…) et la mise en place de programmes favorisant l’éclosion des initiatives créatives et entrepreneuriales et leur ancrage territorial.
La même importance a été attribuée à la mise à niveau du cadre juridique et réglementaire de l’ESRI et la transition vers un système de gouvernance qui consacre l’autonomie de l’université, moyennant un cadre contractuel rénové, favorisant l’ancrage à la culture de la performance et des résultats.
La mise en œuvre des différents chantiers et projets du PACTE interviendra dès la nouvelle rentrée universitaire 2023-2024.
– Vous avez eu des rencontres régionales pour entendre toutes les parties concernées par ledit Pacte. Les recommandations issues de ces rencontres sont-elles prises en considération ?
Effectivement, comme je viens de le mentionner au début, nous avons tenu plusieurs séances d’écoute et de consultations avec l’ensemble des parties prenantes. Les conclusions de ces rencontres ont été débattues lors des 12 assises organisées au niveau régional et lors de la 13ème assise consacrée aux compétences marocaines à l’étranger. C’est une démarche qui émane de la conviction selon laquelle seule une co-construction avec les différentes parties prenantes est à même de garantir la réussite du PACTE et l’appropriation collective des enjeux et des défis qu’il soulève quant à son déploiement opérationnel.
Je voudrais souligner de passage que c’est pour la première fois dans l’histoire de notre pays qu’on a réuni autour de la même table les acteurs de l’écosystème universitaire, les acteurs institutionnels régionaux, les opérateurs économiques à l’échelle territoriale et les acteurs de la société civile. Vous pouvez imaginer les effets positifs que cela génère en termes de mobilisation de l’intelligence collective pour prospecter ensemble les meilleures voies possibles de nature à réhabiliter le rôle et la mission fondamentale de l’université en tant que levier de développement et vecteur de consolidation du lien social.
Les recommandations pertinentes recueillies lors de ces 13 assises ont permis, de toute évidence, d’enrichir les axes stratégiques du PACTE et les priorités y afférentes notamment pour ce qui est de l’alignement de l’offre de l’ESRI aux besoins des territoires en capital humain et en R&D, et l’émergence de nouvelles approches de coopération entre acteurs en vue de mutualiser les moyens, mobiliser les synergies et maximiser l’impact des actions communes sur le développement d’ensemble de notre pays.
– Vous avez annoncé la tenue avant la fin de l’année d’un colloque national pour le lancement du Pacte ? Ce colloque est-il toujours maintenu ?
L’assise nationale du PACTE ESRI est toujours à l’ordre du jour. C’est une étape essentielle pour la consolidation de tout le travail de co-construction que nous avons mené à l’échelle des régions et avec la diaspora scientifique.
A l‘heure actuelle, le Ministère se penche sur la mise en place des prérequis nécessaires pour le déploiement opérationnel du PACTE, se rapportant à certains chantiers prioritaires dont notamment la refonte globale des systèmes d’information, la mise en place des plateformes d’enseignement en ligne, la scénarisation des cours, la révision du cadre juridique et réglementaire et son alignement avec le PACTE ESRI…
Par ailleurs, nous avons estimé opportun d’envisager la tenue de cette assise nationale en étroite coordination avec le département de l’éducation nationale. Cela permettrait de mobiliser les synergies pour couvrir toute la chaîne de valeur de l’écosystème de formation.
– Le Maroc entretient d’excellentes relations avec de nombreux pays africains. Qu’en est-il de la coopération universitaire ?
Sous le leadership visionnaire du Roi Mohammed VI, la coopération avec l’Afrique a connu une percée significative dans plusieurs domaines. Jamais les relations avec les partenaires de notre continent n’ont été aussi fortes et prometteuses.
Ce contexte favorable est propice pour renforcer et élargir les perspectives de coopération avec nos partenaires d’Afrique dans le domaine universitaire, qui compte d’ailleurs à son actif plusieurs réalisations dont l’accueil des étudiants africains dans les établissements de l’enseignement supérieur marocain et l’octroi de bourses d’études en fonction des quotas convenus avec leurs pays d’origine, ainsi que les collaborations établies entre structures de recherche marocaines avec leurs homologues africaines.
Notre ambition est de faire encore plus et mieux. La dynamique qui se profile avec le PACTE ESRI peut constituer une opportunité de taille pour insuffler un nouvel élan à la coopération interafricaine dans le domaine universitaire. Des actions partenariales pourraient être promues à l’échelle bilatérale ou plurilatérale, notamment pour ce qui est du montage de projets de recherche scientifique couvrant des thématiques prioritaires communes, comme le changement climatique et ses problématiques connexes, la transition digitale, les énergies renouvelables sans omettre le domaine de la sécurité sanitaire qui revêt une importance clé pour l’ensemble des pays africains.
L’impulsion des programmes de mobilité étudiante et celle des enseignants-chercheurs et des cadres administratifs pourrait être aussi un créneau important à investir, pourvu que les moyens soient mobilisés dans le cadre d’un programme africain similaire à ERASMUS.
Par ailleurs, de par son statut de pays avant-gardiste en matière de conduite des réformes et son engagement indéfectible pour le développement de l’Afrique, le Maroc pourrait mettre à contribution son expertise et expérience acquise à travers l’élaboration du PACTE au profit des partenaires du Continent.
HA/APA