L’agriculture africaine peine encore à franchir le cap du numérique. Lors de la quatrième journée de la Semaine scientifique de l’UM6P, experts et chercheurs ont dressé un état des lieux contrasté, entre avancées prometteuses et défis persistants.
A l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) de Benguérir, les discussions ont permis un constat édifiant : en Afrique subsaharienne, seuls 5 % des petits exploitants agricoles utilisent régulièrement les technologies numériques. Cette statistique, révélée par Ken Lohento, spécialiste de l’agriculture numérique à la FAO, révèle l’ampleur de la fracture technologique qui freine le développement du secteur agricole sur le continent.
L’un des obstacles majeurs identifiés par les experts réside dans l’accès aux infrastructures de base. « Environ 50 % des communautés rurales n’ont pas d’accès fiable à l’électricité », souligne Lohento, rendant ainsi impossible l’usage généralisé des outils numériques agricoles. Mais au-delà des infrastructures, c’est aussi une question de disparités géographiques. « L’Afrique n’est pas un pays », rappelle-t-il, insistant sur les écarts significatifs entre les États.
En effet, certains pays comme le Kenya, le Maroc, l’Éthiopie et la Tunisie affichent des progrès notables en matière d’agriculture numérique. Ces nations ont su intégrer des outils technologiques dans les pratiques agricoles, facilitant ainsi l’optimisation des rendements et la gestion des ressources. À l’opposé, des pays comme le Niger, le Togo, le Tchad et la Guinée restent confrontés à des difficultés considérables, freinés par le manque de financements, d’infrastructures et de formation.
Pour les chercheurs présents à l’UM6P, l’avenir de l’agriculture africaine repose sur une transition vers l’agriculture de précision, où chaque parcelle de terre serait exploitée avec une efficacité maximale grâce aux nouvelles technologies.
« L’agriculture numérique, c’est avant tout l’agriculture de précision », explique Mustapha El Bouhssini, professeur d’entomologie et doyen associé à la recherche à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement de l’UM6P.
Parmi les pays qui misent sur le numérique pour transformer leur agriculture, le Maroc se distingue par des initiatives ambitieuses.
« Nous visons la mise en œuvre d’une agriculture de conservation sur un million d’hectares dans les prochaines années », annonce El Bouhssini. Une stratégie cruciale dans un pays confronté à une sécheresse persistante depuis sept ans.
L’initiative Al Moutmir, lancée par l’UM6P, illustre cet engagement en faveur de la digitalisation agricole. Avec une centaine d’ingénieurs sillonnant le pays, ce programme de vulgarisation accompagne les agriculteurs dans l’adoption de nouvelles pratiques basées sur la technologie.
« Mais pour toucher un public plus large, les solutions numériques doivent être démocratisées », admet El Bouhssini.
Alors que la sécurité alimentaire demeure un défi majeur pour le continent, les experts s’accordent sur un point : l’avenir passe par une combinaison intelligente entre innovation technologique et pratiques agricoles durables. L’intelligence artificielle, les données satellitaires et les solutions mobiles pourraient permettre de combler le fossé technologique, à condition d’investir massivement dans les infrastructures et la formation.
MK/te/Sf/APA