Un bras de fer diplomatique majeur est en train de se dérouler sur fond d’affirmations sensationnelles de l’ambassadeur des Etats-Unis, selon lesquelles l’Afrique du Sud a fourni des armes à la Russie, dans une démarche destinée à aggraver une crise de politique étrangère pour le président Cyril Ramaphosa au sujet des liens du pays avec le Kremlin et de son refus de condamner la guerre en Ukraine.
Reuben Brigety, ambassadeur des Etats-Unis en Afrique du Sud, a accusé Prétoria de fournir des armes à Moscou dans le cadre d’une opération navale secrète, déclarant aux journalistes jeudi que Washington pensait que des armes et des munitions avaient été chargées sur le Lady R, un navire russe sous sanctions qui a accosté à l’arsenal naval de Simon’s Town, près du Cap, en décembre.
« Nous avons notamment constaté que le cargo avait accosté à la base navale de Simon’s Town entre le 6 et le 8 décembre 2022, et nous sommes convaincus que des armes et des munitions ont été chargées à bord de ce navire avant qu’il ne reparte vers la Russie », a affirmé M. Brigety.
M. Brigety a déclaré que Washington était préoccupé par cet incident, qui « ne nous semble pas être le fait d’un pays non-aligné’.
Les mêmes allégations ont été répétées par le porte-parole du Département d’Etat américain, Vedant Patel, qui a précisé que Washington avait soulevé la question directement avec Pretoria.
« Nous avons été très clairs et n’avons pas mâché nos mots à propos d’un pays qui prendrait des mesures pour soutenir la guerre illégale et brutale de la Russie en Ukraine », a ajouté M. Patel.
Le gouvernement sud-africain a démenti ces allégations, le bureau de M. Ramaphosa déclarant que les remarques de M. Brigety « sapent l’esprit de coopération et de partenariat qui a caractérisé les récents engagements » entre les responsables américains et sud-africains.
Une délégation du gouvernement sud-africain dirigée par le conseiller spécial du président pour la sécurité nationale, Sydney Mufumadi, s’est récemment rendue aux Etats-Unis pour désamorcer les tensions entre Pretoria et Washington au sujet de la Russie.
Le porte-parole de M. Ramaphosa, Vincent Magwenya, a déclaré que l’Afrique du Sud avait ouvert une enquête sur ces allégations.
« Bien qu’aucune preuve n’ait été fournie à ce jour pour étayer ces allégations, le gouvernement a entrepris d’instituer une enquête indépendante qui sera dirigée par un juge à la retraite », a indiqué M. Magwenya.
Il a ajouté que la question de Lady R avait été soulevée lors de récents entretiens entre la délégation sud-africaine et des responsables américains, « et qu’il avait été convenu de laisser l’enquête suivre son cours et que les services de renseignement américains fourniraient toutes les preuves en leur possession ».
« Il est donc décevant que l’ambassadeur des Etats-Unis ait adopté une attitude publique contre-productive qui sape l’accord conclu sur la question et les engagements très positifs et constructifs entre les
deux délégations », a regretté le porte-parole du président sud-africain.
Ce dernier développement a soulevé des questions quant à savoir si Pretoria a irrité les dieux en refusant de se ranger du côté des Etats-Unis et de ses alliés occidentaux pour condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine et pour refuser d’arrêter le président russe Vladimir Poutine s’il vient en Afrique du Sud pour le prochain sommet des BRICS en août.
JN/fss/ac/APA