Professeur à Sciences Po à Paris et à Advisor Brussels International center, Kader A. Abderrahim décrypte, pour Apa news, la décision du gouvernement malien d’expulser l’ambassadeur français en poste au Mali, Joël Meyer.
-La décision malienne d’expulser l’ambassadeur de France, annoncée lundi 31 janvier, était-elle prévisible ?
Malheureusement oui. Ces dernières semaines la tension est montée entre les deux capitales. Les déclaration de Jean-Yves Le Drian et de Mme Florence Parly, en fin de semaine dernière, n’ont pas contribué à faire retomber la pression.
Le retrait annoncé, jeudi dernier, des troupes danoises présentes dans le cadre de la task-force européenne Takuba qui appuie l’armée française dans la lutte contre les groupes jihadistes au Mali et au Sahel après une admonestation du gouvernement malien a marqué le point d’orgue.
Dans cette situation, il me semble que le Mali s’isole diplomatiquement et que la France est fragilisée dans ce qu’elle considère être son pré-carré.
–Quelle pourrait être la réponse de la France à cette annonce ?
La France pourrait prendre une décision similaire. Toutefois, je ne crois qu’elle le fera afin de marquer son désir de maintenir a minima des relations entre les deux pays.
En revanche, le départ des troupes françaises peut être une option. La France se trouve dans un contexte de pré-campagne pour une élection présidentielle prévue en, avril 2022. Le président Emmanuel Macron prendra, sans doute, une décision en fonction de l’élection à venir et de l’intérêt pour la France de rester ou non au Mali. Son influence et son rôle en Afrique sont ainsi remis en cause. Il doit en tirer des enseignements.
–Un retrait définitif des troupes françaises est-il envisageable ?
C’est naturellement cela que les protagonistes de cette crise diplomatique ont à l’esprit.
-Paris et Bamako pouvaient-ils éviter d’arriver à ce niveau de tension ?
Chacun des deux acteurs pouvait faire l’économie de cette dégradation bilatérale.
Il me semble que les autorités maliennes tardent à expliquer leur projet et leurs intentions, à tout le moins vis-à-vis de leurs compatriotes, il est plus aisé de se déterminer lorsque les citoyens comprennent dans quelle direction vous souhaitez aller. Ici on le sentiment d’une navigation à vue, sans véritable projet politique. Au niveau régional, il y a une recomposition géopolitique en cours.
Il est légitime que le Mali cherche à établir des alliances ou des partenariats nouveaux pour préserver ses intérêts.
Quant à la France, les vieux réflexes et le sentiment d’être dans sa zone de confort ne lui ont pas permis de voir les évolutions en cours sur le plan géopolitique.
LOS/APA