Les relations entre les deux pays avaient été rompues en 2017 après des sanctions onusiennes contre Pyongyang.
En Conseil des ministres du mercredi 29 mars 2023, le gouvernement de transition burkinabè a décidé de renouer ses relations diplomatiques avec la Corée du Nord. « Le premier axe est diplomatique : pour montrer l’aboutissement du changement de stratégie des autorités burkinabè, la nomination d’un ambassadeur de Corée du Nord au Burkina-Faso va sceller le retour des discussions entre les deux pays. L’ambassadeur nord-coréen au Sénégal, CHAE HUI-CHOL, va avoir la charge de cette tâche », estime Amanar Advisor, cabinet en intelligence stratégique et de veille sur le Sahel basé en France.
Doctorant en en Histoire des relations internationales à l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, Inoussa Dianda soutient que « dans le contexte de lutte contre le terrorisme, la Corée du Nord peut être un partenaire pour le Burkina si et seulement si certaines préoccupations liées à la liberté de presse et d’expression sont pris en compte ».
Au lendemain de l’annonce officielle du gouvernement, le doctorant a indiqué que le fait même de savoir que Pyongyang soutient militairement Ouagadougou, « même sans un soutien logistique conséquent », peut dissuader les groupes jihadistes qui écument le pays depuis 2015.
« L’axe militaire est plausible…»
La ministre des Affaires étrangères, Olivia Rouamba a justifié la reprise des relations diplomatiques avec la Corée du Nord, par le fait que ce pays pourra fournir au Burkina des équipements et matériels militaires, dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Pour Amanar Advisor, « l’axe militaire reste plausible, avec la fourniture de matériels militaires d’inspiration russe connus des soldats burkinabè ». Le cabinet de veille sur le Sahel souligne que pour trouver le financement à ces achats, Ouagadougou pourrait de nouveau « chercher à utiliser la manne aurifère pour reconstitution ses stocks d’armes et de munitions suite à l’invasion de l’Ukraine ».
« Le second axe de partenariat peut concerner le secteur de la Santé, à l’image de ce qui est déjà en place en Libye avec l’arrivée de médecins et chirurgiens nord-coréens pour œuvrer au sein d’une structure hospitalière dans la capitale burkinabè », a ajouté Amanar Advisor.
Inoussa Dianda redoute cependant des incidences de cette coopération sur le respect des droits humains, étant donné que la Corée du Nord n’est pas une référence dans ce domaine.
Une Amitié aussi vieille que la Révolution burkinabè
« Sur le plan du financement des projets et programmes à travers l’appui budgétaire, les partenaires traditionnels du Burkina comme l’Union Européenne, la Suisse, les ONG, etc., risquent de plier bagages au nom du principe de la bonne gouvernance », craint également le chercheur. Mais pour le doctorant en relations internationales à l’Université Joseph Ki-Zerbo, « l’amitié entre Ouagadougou et Pyongyang est aussi vieille que la Révolution de Thomas Sankara ».
Il a expliqué, qu’après sa prise du pouvoir en aout 1983, Sankara s’était engagé à se rapprocher des pays « progressistes » dont la Corée du Nord mais aussi Cuba.
Avec Pyongyang particulièrement, les domaines de coopération portaient sur l’aide au développement, le commerce, l’enseignement, la culture. Le doctorant a cité, à titre d’exemple, en matière de coopération culturelle, la construction des « théâtres populaires » à Ouagadougou et Koudougou.
La ministre des Affaires étrangères, Olivia Rouamba a relevé que le Burkina Faso a jadis entretenu de « très bonnes relations avec ce pays qui était un partenaire privilégié » sous la période de la Révolution d’août 1983.
M. Dianda a ajouté que c’est à Pyongyang qu’a été publié le Discours d’orientation politique du 2 octobre 1983, le texte fondateur de la révolution burkinabé.
Tacler les instances internationales
La coopération s’est ainsi poursuivie entre les deux pays jusqu’au milieu des années 2010, lorsque Ouagadougou a suspendu ses relations commerciales avec Pyongyang, suite aux sanctions des Nations unies contre la Corée du nord. En réponse à un premier essai nucléaire de bombe H, le Conseil de sécurité a voté en aout 2017 des sanctions commerciales contre ce pays d’Asie centrale, interdisant aux pays l’exportation de ressources naturelles et de produits halieutiques.
Alors que ces sanctions ne sont pas levées, comment comprendre la décision des actuels tenants du pouvoir burkinabé de renouer avec la Corée du Nord ? « Clairement cette reprise des relations entre les deux pays est un tacle envoyé aux instances internationales et aux pays tels que les Etats-Unis qui ont été des partenaires. Elle participe aussi à la posture choisie et assumée de ‘révolutionnaire’ du capitaine Traoré », analyse le cabinet Amanar Advisor.
DS/ac/APA