La crise dans les Grands Lacs s’envenime. Le Rwanda suspend sa coopération avec la Belgique tandis que Bukavu reste aux mains des rebelles.
Le Rwanda a annoncé mardi la suspension de son programme d’aide bilatérale avec la Belgique, une décision qui intervient dans un contexte régional explosif marqué par la prise de Bukavu par les rebelles du M23.
Cette réaction de Kigali fait suite aux déclarations du nouveau chef de la diplomatie belge Maxime Prévot, qui avait évoqué vendredi à Munich la possibilité de « mettre un terme au programme de coopération » avec le Rwanda.
La tension diplomatique s’est intensifiée lors de la Conférence sur la sécurité en Allemagne, où le vice-Premier ministre belge, rencontrant le président Félix Tshisekedi, a appelé à « une réaction plus forte » de l’Union européenne contre le Rwanda, incluant « la suspension d’une série d’accords ». En réponse, le ministère rwandais des Affaires étrangères dénonce, dans un communiqué parvenu à APA, une « campagne agressive » visant à compromettre son accès aux financements du développement, y compris auprès des institutions multilatérales.
Sur le terrain, la situation reste critique à Bukavu, capitale du Sud-Kivu tombée aux mains des rebelles depuis plusieurs jours. Radio Okapi décrit une ville paralysée : le boulevard Emery Patrice Lumumba, artère principale, est désert, les banques et commerces sont fermés, et les services administratifs sont à l’arrêt. Seuls les taxis-motos, habituellement interdits dans le centre-ville, assurent encore quelques déplacements. Le secteur médical fonctionne au ralenti, avec le Comité international de la Croix Rouge (CICR) qui centralise la prise en charge des blessés par balle à l’hôpital général de référence.
Dans ce contexte trouble, l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) a publié un communiqué appelant « toutes les forces vives de la Nation » à rejoindre ce qu’elle qualifie de « lutte révolutionnaire » contre le « gangstérisme et le terrorisme d’État ». Le mouvement rebelle justifie son action en dénonçant « la mauvaise gouvernance, l’autoritarisme, la corruption » et « l’accaparement des ressources nationales ».
Kigali, accusé par Kinshasa et Bruxelles de soutenir la rébellion, rejette ces allégations. Le Rwanda maintient que sa priorité reste « d’assurer une frontière sécurisée » et de mettre fin « aux politiques d’extrémisme ethnique » dans la région. Dans son communiqué, le gouvernement rwandais souligne que « les partenariats de développement doivent être fondés sur le respect mutuel » et appelle à soutenir pleinement la médiation de l’UA/EAC/SADC « en ces moments difficiles pour notre région ».
Pendant ce temps, les radios locales de Bukavu, privées de leurs programmes habituels depuis le départ des autorités, diffusent de la musique en continu, tandis que les habitants observent, impuissants, les traces des pillages survenus lors de la prise de la ville.
AC/Sf/APA