Trente et neuf organisations de la jeunesse musulmane en Côte d’Ivoire dont des groupes et forums de large audience ont signé samedi à Abidjan une Charte de bonne conduite d’utilisation des réseaux sociaux, à l’issue d’une rencontre.
Réunies dans un amphi de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, ils ont été instruites sur plusieurs thématiques en lien avec l’écosystème des réseaux sociaux, avant d’apprécier et approuver cette Charte. Et ce, à la suite de travaux en commission.
Le projet d’établissement de la Charte de bonne conduite d’utilisation des réseaux sociaux, a été initié par la Fondation Réveil des cœurs, en partenariat avec les structures mères de la jeunesse musulmane, y compris des forums musulmans.
La Charte s’appuie notamment sur le Coran, la Sunna du Prophète Mouhammed (Paix et Salut Sur Lui), ainsi que sur la législation nationale ivoirienne, et les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme et à la communication.
Elle intervient dans un contexte de foisonnement des dérives langagières, de violences verbales et la diffusion à profusion des fake news (fausses nouvelles) qui ont fait des réseaux sociaux des armes parfois nuisibles à la paix sociale et communautaire.
« Nous voulons que désormais les jeunes aient un outil qui leur donne de rationaliser leur temps sur les réseaux sociaux », a dit Diabaté Fousseni, président fondateur de la Fondation Réveil des cœurs.
Cette charte, soulignera-t-il, a mis en branle les administrateurs et modérateurs des pages des groupes et forums islamiques, dans un processus d’inclusion. En outre, des internautes ont également fait des propositions qui ont été prises en compte dans différentes commissions.
Le dispositif a été examiné par les Commissions, où siégeaient les administrateurs et modérateurs des différents groupes. Ensuite les résultats seront reversés au Comité scientifique qui va proposer un premier draft de la Charte qui a été reproposé aux internautes.
La Charte comprend 25 articles. Elle stipule que « l’acceptation de la Charte doit être une condition obligatoire d’adhésion aux groupes, forums et les plateformes sociales impliqués ». Tout administrateur ne respectant pas les prescriptions est susceptible de sanctions pouvant aller au retrait du groupe.
L’article 10 mentionne que « toutes les publications doivent être systématiquement soumises à la validation des administrateurs et modérateurs. Toutefois, tous les sujets d’ordre religieux sont soumis à des imams consultants qui en ont l’autorité et la capacité ».
En outre, les administrateurs se réservent le droit de suppression sans préavis de toute publication qui paraît inappropriées ou n’étant pas en conformité avec les dispositions de la Charte de bonne conduite d’utilisation des réseaux sociaux.
L’Imam Diakité Ousmane, secrétaire exécutif du Conseil des Imams, des mosquées et des Affaires islamiques (Cosim), a félicité les initiateurs de ce projet, avant d’ajouter « les imams partagent avec vous les inquiétudes qui vous ont poussé à (écrire cette charte) ».
Il a fait observer que « les réseaux sociaux sont un couteau à double tranchant, investis par une liberté quelque fois sauvage, quelque fois dévastatrice », tout en saluant la « maturité » de cette jeunesse musulmane.
Pour sa part, l’Imam Amidou Berthé, qui a animé un panel sur « les règles et exigences islamiques en matière de communication », a relevé que le Coran invite à dire du bien aux gens en tenant le bon langage et à ne jamais se prononcer sur ce dont on a aucun savoir ni aucune science.
M. Gourou Adam, expert des questions digitales, exposant sur le thème de « la rationalisation de la gestion des réseaux sociaux », a conseillé les internautes à « discipliner » leur présence sur les réseaux sociaux, à l’utiliser à bon escient pour créer une différence dans sa communauté.
Il a relevé qu’une étude ressort que la Côte d’Ivoire, en janvier 2021, enregistrait 12,5 millions d’utilisateurs d’Internet, et 5,9 millions de personnes actives sur les réseaux sociaux dans le pays, où le taux de pénétration d’Internet est très important.
Le journaliste ivoirien, Lassina Sermé, président du Réseau des professionnels de la presse en ligne de Côte d’Ivoire (Repprelci), a au cours d’un panel spécial sur les « mécanismes et outils de vérification des fake news », instruit l’auditoire sur l’intérêt d’éprouver l’authenticité des informations.
Expert sur les questions liées aux médias numériques, il a relevé d’entrée de jeu que l’anglicisme « fake news » se rapporte aux fausses informations, tandis que la désinformation évoque l’intention de nuire; et la mésinformation, une information véhiculée avec erreur sans vérification préalable.
A travers un exercice, il a amené le public à la vérification des faits via le fact-checking. Il a insisté qu’il faut toujours vérifier l’information à diffuser pour ne pas tomber sous le coup de la loi, tout en mentionnant par exemple qu’on peut vérifier une bonne image par Google Image ou TinEye.
Évoquant les sanctions en matière de cybercriminalité, l’avocat Amadou Camara qui s’exprimait dans une communication sur la thématique du « cadre juridique d’utilisation des réseaux sociaux », a indiqué que le fait de relayer une fake news est passif de poursuite.
L’Etat de Côte d’Ivoire a adopté en juin 2013 une loi en vue de lutter contre la cybercriminalité. Il a noté que la divulgation d’une information privée sur les réseaux sociaux est une infraction, de même que partager ou stocker une pornographie infantile.
« Sur les réseaux sociaux, on ne doit que partager les renseignements, c’est-à-dire les informations traitées », a-t-il poursuivi, faisant remarquer quand on a été condamné dans le cadre de la cybercriminalité, « il y a des fonctions qu’on ne peut faire pendant cinq ans ».
AP/ls/APA