Homme politique de conviction, Guillaume Soro, ex-chef du Parlement ivoirien, veut toujours garder cette stature. L’ex-chef de guerre, qui s’est battu pour davantage de justice dans son pays, affronte son destin politique, en dépit des conséquences de son choix politique.
Bien qu’étant dans son confort de président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, acteur politique important du système au pouvoir, a pris du recul face au Parti unifié Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) dont le président est Alassane Ouattara, dénonçant sa démarche d’unification des Houphouétistes, au point de céder son fauteuil.
Au perchoir de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, y a pris les commandes à l’âge de 40 ans, devenant la deuxième personnalité de l’Etat de Côte d’Ivoire, et se positionnant comme dauphin Constitutionnel de Alassane Ouattara, tout en visant la magistrature suprême.
Le passage de la primature, en tant que chef du gouvernement de Côte d’Ivoire, première puissance économique de l’Union économique ouest-africaine (Uemoa), à la tête de l’hémicycle n’est pas fortuit, il reste un pas pour succéder à M. Ouattara.
Le changement de la Constitution en 2016 avec un vice-président, successeur constitutionnel, il est mis hors circuit. Un deal qui tombe à l’eau. M. Soro s’apprêtait à succéder à M. Ouattara, un « père », qu’il perdra pour se rapprocher de Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci, opposition).
Selon M. Guillaume Soro « il ne fallait pas se précipiter pour créer le Rhdp unifié (parti au pouvoir) » car « créer le Rhdp unifié sans le Pdci (ex-allié de taille) reviendrait à créer le Rhdp unifié contre le Pdci et ceci risquerait de mettre en péril la tranquillité des Ivoiriens ».
« Je ne pouvais pas militer au Rhdp (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix), ça serait trahir ma conviction et le président Henri Konan Bédié » dont « je suis le protégé », avait expliqué Guillaume Soro à la résidence du président du Pdci à Daoukro, dans le Centre-Est ivoirien.
« Dans le projet de création du Rhdp, le président de la République (Alassane Ouattara) m’a reçu et m’a demandé de rendre ma démission si je n’acceptais pas de militer au sein du Rhdp », avait révélé Guillaume Soro.
« Il n’était pas opportun de m’accrocher à un poste à la présidence même si cela aurait pu être légitime (…). Je me suis dit, pour la paix pour mon pays, même si je considère que c’est injuste, j’accepte de démissionner (de la présidence de l’Assemblée nationale) pour garder la paix en Côte d’Ivoire », a-t-il dit.
M. Guillaume Soro a démissionné de la présidence de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, le 8 février 2019, lors d’une session extraordinaire. Il est remplacé par Amadou Soumahoro. Affectueusement appelé «Tchomba» dans le milieu du parti au pouvoir, M. Soumahoro est élu par ses paires.
S’accomplir seul
« Quand Macron lançait En marche !, toute la classe politique était unanime pour dire qu’il ne serait jamais président. (…) J’ai décidé de prendre mon destin en main. J’ai 47 ans et je pense que je ferai cavalier seul », avait déclaré M. Soro dans un entretien à la Radio France internationale (RFI) et la chaîne de télévision France 24.
Ancien allié du président Alassane Ouattara, M. Soro, qui veut briguer la magistrature suprême, n’a pas de parti politique et n’est soutenu par aucun des trois grands partis en Côte d’Ivoire. Il a de ce fait, mis en place un mouvement citoyen dénommé Générations et peuples solidaires (GPS).
Le président de GPS, Guillaume Soro (47 ans), assure avoir encore « 30 ans à 40 ans de vie politique » devant lui, contrairement à ceux qui clament qu’il est « fini ». A l’instar de Barack Obama, il aurait souhaité être président à l’âge de 47 ans.
Engagé dans la course à la présidentielle après son départ de l’Assemblée nationale, il a commencé à se faire un électorat. Avec un langage de vérité, il a su conquérir des militants dans le Nord du pays dont il est originaire, se positionnant sur un terrain miné, chasse gardée du Rhdp.
Dans la visée présidentielle, un gros nuage apparaît, un mandat d’arrêt international est requis par la justice ivoirienne contre lui pour « tentative contre l’autorité de l’Etat et l’intégrité du territoire national, recel de détournement de deniers publics et pour blanchiment de capitaux. »
Pour atteindre son objectif, il devra se défaire de cet imbroglio juridique annoncé le lundi 23 décembre 2019 par le procureur de la République de Côte d’Ivoire. Fin stratège qui a conduit l’ex-rébellion ivoirienne des Forces nouvelles (FN) de 2002 à 2007, il devra trouver la parade pour s’en sortir.
Avec la maturité politique acquise auprès de M. Ouattara et l’ancien président Laurent Gbagbo, Guillaume Soro a commencé à se bâtir un empire politique. Il y a adjoint plusieurs membres de l’ex-rébellion depuis la primature ivoirienne (Cabinet du Premier ministre).
Homme de conviction
Guillaume Kigbafori Soro, né en 1972 à Kofiplé, dans le Nord ivoirien, est devenu Premier ministre de Côte d’Ivoire de 2007 conformément à l’accord politique de Ouagadougou à 2012, avant de devenir président de l’Assemblée nationale ivoirienne de 2012 à 2019.
Ancien secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), M. Guillaume Soro, surnommé le Che ou encore Bogotha, se rapproche de M. Ouattara, avant de basculer dans la rébellion, pour dit-il permettre que tous les Ivoiriens accèdent à une nette justice et à la nationalité.
Il participe au gouvernement de réconciliation nationale, sous l’ère Laurent Gbagbo, de février 2003 à mai 2004, puis d’août 2004 à décembre 2005, comme ministre de la Communication. Le 28 décembre, il est nommé ministre d’État, ministre de la Reconstruction et de la réinsertion dans le gouvernement de Charles Konan Banny.
La signature de l’accord politique de Ouagadougou, sous les auspices de Blaise Compaoré, offre aux ex-Forces nouvelles le poste de Premier ministre. Les ex-Forces nouvelles désignent M. Soro Guillaume Soro, le 26 mars 2007 pour occuper le poste de Premier ministre, un grand pas dans l’arène politique.
A la tête d’une rébellion qui a coupé le pays en deux avec un Sud gouvernemental et un Nord sous contrôle de l’ex-rébellion des Forces nouvelles, il devient ainsi Premier ministre en 2007 jusqu’en mars 2012, où il décroche pour devenir président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.
Alors qu’il dirigeait la FESCI, il était aussi engagé politiquement de 1995 à 1998. Et ce, pendant qu’il préparait une licence d’anglais à l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. À la faculté des lettres, arts et sciences humaines, il obtient une licence d’anglais et ensuite une maîtrise.
En décembre 1998, il quitte la tête de la FESCI pour poursuivre ses études en France où en 1999, il s’inscrit simultanément dans les universités Paris-VII et Paris-VIII, respectivement pour des cours d’anglais et de sciences politiques.
Très proche d’Alassane Ouattara qu’il a soutenu pendant la crise de 2010-2011 face à Laurent Gbagbo, Guillaume Soro a contribué à l’arrivée de M. Ouattara au pouvoir. En 2018, il obtient un master en économie à l’École supérieure de commerce de Lyon, en France.
AP/ls/te/APA