Le comité d’organisation du Grand Magal de Touba a levé les supputations voulant que l’édition 2020 soit annulée pour cause de Covid-19.
La cité religieuse située au centre du pays a décidé de s’adapter au contexte sanitaire, mais écarte l’idée de surseoir à l’organisation de son événement phare qui commémore le départ en exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme, à la fin du 19e siècle.
« Nous préparons le Magal comme à l’accoutumée. La différence, cette année, c’est le contexte de pandémie », souligne Serigne Ousmane Mbacké, coordonnateur de ce comité au terme d’un Comité départemental de développement (CDD) présidé par le préfet du département de Mbacké.
« Nos discussions ont beaucoup tourné autour de ce point afin de voir comment faire en sorte que nous puissions nous acquitter correctement des mesures édictées par le gouvernement, à travers son ministère de la Santé. C’est cela le +ndigueul+ (consigne en wolof) du khalife » Serigne Mountakha Mbacké, poursuit Serigne Ousmane Mbacké, petit-fils de Serigne Touba comme l’actuel guide suprême de la confrérie.
« Ceux qui devront venir, qu’ils sachent qu’ils devront venir dans ce contexte. Et nous avons la volonté de faire en sorte qu’ils trouvent ici ce qu’il faut pour cela », a ajouté le responsable.
Il est convaincu en outre que les problèmes de sécurité et les inondations liées à cette période d’hivernage ne facilitent pas l’organisation. Néanmoins, assure-t-il, ils feront de leur « mieux » pour que l’événement qui draine des centaines de milliers de fidèles se passe bien.
La commémoration du Magal-2020 est prévue « vers le 1er octobre » selon le quotidien Vox Populi dont la Une de ce lundi est : « Ila Touba malgré le virus : Magal sous gestes barrières ».
Si EnQuête pense que la tenue de cette édition est « en pointillé », Vox Populi souligne que la décision du khalife des mourides est prise : « Organiser le Magal sous le respect des mesures édictées par les autorités du ministère de la Santé ».
« Nouvelle vague »
La propagation du coronavirus n’a pas connu de répit au Sénégal, surtout depuis le retour de la fête de Tabaski, célébrée il y a plus de deux semaines. Beaucoup de personnes étaient parties la célébrer à l’intérieur du pays, faisant fi aux recommandations du ministre de la Santé. Abdoulaye Diouf Sarr avait demandé à ses compatriotes de fêter l’Eid El Kébir à résidence pour ne pas « disperser » le virus. Mais il n’a pas été suffisamment entendu semble-t-il.
Le Sénégal en est à 12.237 cas de coronavirus recensés dont 256 décédés, 7728 guéris et 4252 patients sous traitement, cinq mois après l’apparition du premier malade. Un bilan qui inquiète outre mesure le directeur de la Prévention, Dr Mamadou Ndiaye, qui lit quotidiennement les communiqués du ministère de la Santé sur l’état de la pandémie dans le pays.
« Nous pensons que nous faisons face à une nouvelle vague avec l’augmentation du nombre de nouveaux cas et des cas communautaires », a-t-il dit dans une émission de la radio privée RFM. Les gens ont voyagé « avant, pendant et après la Tabaski », mais l’effet de l’ouverture des frontières et l’allègement des mesures barrières ont également « contribué » à cette contagion massive, admet le spécialiste.
Entre le 9 et le 16 août, 1159 contaminations dont 679 issues de la transmission communautaire ont été détectées d’après le journal Libération.
Ainsi certaines personnes pensent que l’Etat doit trouver les voies et moyens pour convaincre les leaders religieux à surseoir aux rassemblements religieux de cette année pour éviter la propagation du virus. Le gouvernement ne s’est pas encore clairement prononcé sur la question, donnant raison à d’autres qui soutiennent qu’il n’a pas à prendre position.
Ancien ministre de l’Enseignement supérieur sous l’actuel régime, Pr Mary Teuw Niane s’illustre ces derniers jours sur le sujet malgré les critiques de certains disciples à son encontre.
« Nous devons tirer des leçons positives des errements de la gestion de la maladie lors des grands déplacements de la Tabaski. Ainsi les pouvoirs publics devraient-ils assumer leur leadership, anticiper, alors qu’il est encore temps, sur les grandes manifestations religieuses à venir pour éviter tout rassemblement qui risque de démultiplier les cas positifs et de les disperser dans le pays », a préconisé le mathématicien dans une tribune intitulée « Hausse de +27% de cas en une semaine : Covid-19, l’après-Tabaski ».
« L’arrivée de la pandémie dans les villages sera désastreuse. Déjà, chaque jour, des personnes d’un certain âge nous quittent. Plusieurs personnalités de premier plan au niveau intellectuel, économique, social, politique et religieux sont décédées, frappées par la Covid19. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg », a-t-il continué avant de se demander : « Combien de morts anonymes, combien de morts subits, combien de morts communautaires inconnus du grand public ».
Malgré la sensibilité de la question, l’actuel président du Conseil d’administration de la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen) invite les intellectuels et les sachants (langues nationales, arabe, français, autres) à jouer « leur rôle » par « le devoir noble de dire la science, (…) sans aucune contrainte que celles qu’imposent l’éthique, le respect et la morale ».
ODL/te/APA