Les basketteurs ne visent plus le panier, les lutteurs ne font pas de corps à corps et les athlètes sont loin des pistes : le coronavirus a changé le mode de vie des sportifs sénégalais.
A tout juste 21 ans, Louis-François Mendy est l’un des grands espoirs de l’athlétisme sénégalais. Ce pensionnaire du Centre africain d’athlétisme de Dakar (Caad) est un spécialiste du 110 mètres haies.
Mais depuis le mois de février, le jeune loup aux dents longues n’a plus de compétitions en raison du Covid-19. Pourtant, Louis-François était sur une belle lancée avec des résultats « positifs » lors de meetings en salle organisés en France. A plusieurs reprises, il a terminé sur le podium dans des courses de 60 mètres haies.
Pour cet athlète qui rêve de marcher sur les traces d’Amadou Dia Bâ, unique médaillé olympique du Sénégal, le programme de cette année était chargé : Jeux Olympiques de Tokyo (Japon), Championnats d’Afrique et meetings internationaux. Hélas, « tout est tombé à l’eau », regrette-t-il.
La pandémie oblige Louis-François à « se concentrer sur 2021 », comme bon nombre de ses coéquipiers du centre panafricain logé au stade Léopold Sédar Senghor de Dakar où ils sont tous « confinés ».
Le moral du médaillé de bronze aux Jeux africains de Rabat (Maroc) en 2019 n’est pas affecté « parce qu’avant tout, la santé est primordiale ». Pour rester dans une forme olympique, cet habitant de Yeumbeul (banlieue dakaroise) fait « du vélo » et des « haltères » au Centre africain d’athlétisme de Dakar. Cette structure, ouverte en 1997, a lancé la carrière de plusieurs stars africaines de l’athlétisme comme la Sénégalaise Amy Mbacké Thiam ou le Mauricien Eric Milazar.
Des fourmis dans les jambes
Conscient qu’il doit travailler comme un forcené pour atteindre les sommets de l’athlétisme, le jeune homme ne cache pas son envie du moment : « J’ai besoin de courir sur la piste. Ça fait des semaines que je ne l’ai pas fait ».
Papa Sow, un des poids lourds de la lutte avec frappe sénégalaise, pâtit lui aussi de la suspension de toutes les compétitions. Après la création de Diambars Wrestling Academy dans son fief, les Parcelles Assainies (commune de la capitale), l’ancien « puma » de l’écurie Fass devait se frotter, le 5 avril dernier, à Siteu surnommé le « phénomène de Lansar ».
Ce combat s’annonçait épique. Lors du face-à-face entre les deux lutteurs, Siteu, fraîchement revenu des Etats-Unis où il a fait ses preuves dans les arts martiaux mixtes (MMA, sigle anglais), a annoncé la couleur.
Malgré les efforts fournis dans la préparation, Papa Sow déclare qu’il n’est pas abattu outre mesure par le report du duel. A en croire ce lutteur à la technique reconnue, « l’essentiel est de trouver les voies et moyens afin de bouter dehors cette maladie pour un retour à la normale ».
En attendant, cette armoire à glace s’entraîne sommairement chez lui en faisant des exercices sur la terrasse. « L’entrainement demande un certain état d’esprit. On ne peut plus faire de contacts physiques comme avant. On se contente du footing et d’autres exercices individuels pour garder la forme », explique-il.
C’est à peu près la même recette qu’a concoctée le préparateur physique de l’équipe masculine de basket de l’AS Douane, a fait savoir son coach Mamadou Guèye dit Pabi, le vieux en langue wolof.
Prendre son mal en patience
Les joueurs « s’entraînent difficilement, même si le professionnalisme est un état d’esprit. Avec le préparateur physique, nous leur donnons un programme d’entraînement qu’ils font chez eux en respectant tous les travaux de cardio et de remise en forme. Ce qui n’est pas du tout évident », admet l’entraîneur des champions en titre du Sénégal.
L’AS Douane est le représentant du Sénégal à la Basketball Africa league (Bal). Cette compétition, mettant aux prises les meilleurs clubs africains, est le fruit de la collaboration entre la National Basketball Association (NBA, ligue majeure de basket nord-américaine) et la Fédération internationale de basketball (Fiba).
Classée dans la Conférence Sahara en compagnie de cinq autres équipes, le club sénégalais devait ouvrir la Bal, en mars à Dakar, face respectivement à l’AS Police du Mali et l’AS Salé du Maroc.
« Cette pandémie nous a vraiment pris au dépourvu. On n’y pensait vraiment pas. Nous étions à fond dans la préparation de la Bal », souligne le technicien.
Pour ne pas perdre les acquis, Mamadou Guèye appelle « de temps en temps » ses protégés en vue de leur rebooster le moral et les exhorter à « respecter à la lettre » le programme d’entraînement individuel.
Pabi le sait : « ce serait catastrophique de reprendre tout à zéro » à la relance éventuelle des compétitions. L’AS Douane est un club qui se « donne les moyens d’atteindre ses objectifs », a salué l’entraîneur. Par exemple, elle continue de payer les joueurs et le staff malgré l’arrêt des joutes.
Dans l’effectif de cette équipe, certains joueurs habitent à Dakar là où d’autres sont retournés à l’intérieur du pays. En outre, pour faire bonne figure dans ce nouveau tournoi, des basketteurs américains sont venus renforcer le contingent douanier.
« (Ils) sont rentrés chez eux. Leurs familles leur mettaient la pression. Je les comprends parfaitement », a précisé le coach qui vit pas mal son « confinement ».
Au-delà de sa vie sur les parquets, ce père de famille suit depuis un mois « une routine ». A cause des contraintes professionnelles, Pabi « n’a pas l’habitude de profiter » des siens mais actuellement, il est en quête du temps perdu.
Au quotidien, Mamadou Guèye regarde aussi la télévision et lit les journaux avec un intérêt particulier pour son inébranlable passion : le basket.
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