Les violations graves commises contre les tout-petits au Mali ont augmenté à un rythme alarmant, signale un rapport du Secrétaire général de l’Onu publié le 22 décembre 2022.
Au Mali, les plus jeunes continuent de subir le poids de l’instabilité politique, de l’augmentation de la violence contre les civils et de la détérioration de la situation des droits humains. Cette situation est la résultante de l’escalade de la violence intercommunautaire et la recrudescence de l’activité des groupes armés. Un rapport du Secrétaire général de l’Onu sur les enfants et le conflit armé au Mali révèle en effet une forte augmentation du recrutement et de l’utilisation d’enfants, des attaques contre les écoles et les hôpitaux et des enlèvements, en particulier dans les régions de Mopti et de Gao.
Selon le document publié jeudi 22 décembre, au total 2 095 violations graves contre 1 473 enfants ont été vérifiées entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2022, la majorité des violations ne pouvant être imputées à une partie spécifique au conflit. La plupart des autres violations (38 %) ont été attribuées à des groupes armés et 6 % aux forces de sécurité gouvernementales.
Le nombre réel est susceptible d’être plus élevé, car la capacité de l’Onu à vérifier les informations était parfois limitée en raison de l’insécurité, des restrictions d’accès et de la pandémie de Covid-19 en cours, souligne le rapport.
« Je suis consterné de voir une telle augmentation des violations graves contre les enfants au Mali. Une action urgente et déterminée est requise de la part des parties pour assurer leur protection », a déclaré Virginia Gamba, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés.
« Pour que les enfants conservent leurs droits, ils doivent être libérés des groupes armés, et protégés contre d’autres violations et abus. Mais les efforts ne peuvent pas s’arrêter là. Leur réintégration dans la société est également essentielle pour assurer durablement leur sécurité et leur avenir », a ajouté Mme Gamba en visite à Bamako.
Par ailleurs, signale l’enquête, plus de 900 garçons et filles ont été recrutés et utilisés par les groupes armés. Cela constitue la violation grave la plus fréquente au cours de la période considérée, indique le rapport, précisant que seules 616 personnes recrutées et utilisées ont été libérées et que plus de 50 % des auteurs étaient des groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Cela démontre le peu de progrès dans la mise en œuvre des plans d’action visant à mettre fin à cette violation et à la prévenir, regrette l’Onu.
Les forces armées aussi ont utilisé des enfants
Selon la Représentante spéciale, l’utilisation d’enfants par les forces armées était également très répandue. Alors que la plupart de ces cas ont été attribués à des groupes armés, près d’une centaine d’enfants ont aussi été utilisés par les Forces armées maliennes (Fama) pour effectuer des tâches domestiques. « J’exhorte le gouvernement à faire cesser l’utilisation des enfants par les forces armées, à quelque titre que ce soit » a affirmé Virginia Gamba.
Elle demande, en outre, au gouvernement de renforcer d’autres mesures de protection, comme, entre autres, une révision du code de protection de l’enfance qui criminaliserait le recrutement et l’utilisation de mineurs âgés de 15 à 17 ans.
Des enfants tués et mutilés lors d’attaques par les groupes armés
Le rapport déplore aussi une recrudescence du nombre d’enfants tués et mutilés, principalement lors d’attaques menées par des groupes armés contre des civils. Les Engins Explosifs Improvisés (EEI) et les Restes Explosifs de Guerre (REG) comptent parmi les principales causes de décès ou de blessures touchant 94 des 408 enfants victimes de cette violation. On relève, de plus, que le nombre d’enlèvements d’enfants, principalement à des fins de recrutement ou d’exploitation sexuelle, a quadruplé par rapport à la période précédente.
Avec un total de 240 attaques contre des écoles et des hôpitaux, les systèmes de santé et d’éducation au Mali ont été profondément touchés par le conflit, privant les enfants de leurs droits fondamentaux à la santé et à l’éducation. Cent quatre-vingt-six écoles ont été attaquées au cours de la période, et 1 731 établissements fermés dans tout le pays à la fin du mois de mars 2022.
Une collaboration néanmoins prometteuse entre l’Onu et le gouvernement de transition
Le rapport juge néanmoins prometteuse la poursuite de l’engagement entre le gouvernement de transition et l’Onu pour lutter contre ces violations graves, louant par exemple leur collaboration pour un plan national de prévention contre les violations par les forces armées. La Représentante spéciale a encouragé aussi la mise en œuvre du Protocole relatif à la libération et à la remise des enfants associés aux forces et groupes armés, à la libération des enfants détenus, et à la poursuite de la collaboration avec l’Onu.
Dialogue avec certains groupes armés
Tout au long de la période considérée, le groupe armé Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et l’Onu ont poursuivi le dialogue par le biais d’ateliers visant à accélérer la mise en œuvre de leur plan d’action de 2017 sur le recrutement et l’utilisation d’enfants et la violence sexuelle contre les enfants.
La Représentante spéciale du Secrétaire général s’est également félicitée de la signature de plans d’action par deux factions de la Plate-forme visant à mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants et à les prévenir. «J’appelle maintenant toutes les parties à traduire immédiatement en actes leurs engagements et à mettre en place des mesures concrètes pour prévenir de nouvelles violations. Les Nations Unies sont prêtes à soutenir tous les efforts visant à mieux protéger les enfants au Mali », a-t-elle assuré.
ARD/te/APA