La population centrafricaine endure une réalité quotidienne faite de flambées de violence imprévisibles, a alerté, vendredi, le chef des droits de l’Homme des Nations Unies, Volker Türk.
En République centrafricaine, le quotidien des populations ne semble guère s’améliorer. Dans ce pays d’Afrique centrale miné par la guerre, la peur est utilisée comme une arme et les traumatismes graves causés par des années de violence sont encore profonds, constate l’ONU.
Selon le chef des droits de l’Homme des Nations Unies, Volker Türk, il est fort à craindre que le cycle incessant de violences communautaires, religieuses et ethniques ne s’aggrave encore, entraînant des revers majeurs pour les efforts de paix et de réconciliation.
« Dans les faits, les violations du droit international humanitaire et des droits humains continuent de se multiplier et ont augmenté au cours des deux derniers mois. Le nombre de victimes documenté par la Division des droits de l’homme de la Mission des Nations Unies en République centrafricaine (Minusca) a plus que doublé, passant de 564 au cours du premier trimestre de 2022, à 1.300 au cours du dernier », a soutenu M. Türk.
Selon des preuves dont il dit disposer, le Haut-Commissariat affirme que les forces de défense et de sécurité et leurs alliés ont commis 58% de ces violations au cours du dernier trimestre de 2022, en particulier des arrestations et des détentions illégales, des mauvais traitements et des tortures, des mutilations ou des meurtres, a poursuivi M. Türk.
Elles ciblent spécifiquement les communautés peules et musulmanes, accusées ou soupçonnées de complicité avec les groupes rebelles, a-t-il précisé. Les groupes armés signataires de l’Accord de paix ont, pour leur part, été responsables de 35% des abus documentés, a-t-il ajouté.
Les enfants pas épargnés
Selon le HCR, les enfants, dont les moins de 14 ans représentent plus de 40% de la population, ne sont pas épargnés. Ils sont séparés de leurs parents, n’ont pas d’abris adéquats et sont privés d’éducation. Plus d’un demi-million d’enfants âgés de 3 à 17 ans ne sont pas scolarisés ou risquent de devoir quitter l’école en raison d’un manque criant d’enseignants qualifiés et d’installations scolaires inadéquates, alerte le HCR.
Ce dernier dit enregistrer dans le pays, en raison du manque de soins de santé, des taux de mortalité infantile parmi les plus élevés du continent, avec un enfant sur dix qui mourra avant d’atteindre son cinquième anniversaire.
Les enfants sont en outre non seulement recrutés par des groupes armés, mais aussi détenus arbitrairement ou soumis – en particulier les filles – à la violence sexuelle. L’année dernière, la Division des droits de l’homme de la Minusca dit avoir recensé 647 enfants victimes de violations des droits de l’enfant. La majorité de ces violations concernaient l’utilisation d’enfants dans le conflit armé, les atteintes à leur intégrité physique et à leur liberté, les détentions arbitraires et les violences sexuelles liées au conflit, souligne-t-il.
Dans ce contexte, le Haut-Commissaire affirme avoir demandé au gouvernement centrafricain d’adopter d’urgence des mesures pratiques pour prévenir ces violations graves et de fournir des soins complets aux victimes. Il l’a également encouragé à mettre en œuvre le Code de protection de l’enfant.
Le Haut-Commissaire a ensuite relevé l’impunité généralisée – y compris l’absence d’autorités judiciaires et l’absence d’un système judiciaire opérationnel – qui reste pour le pays l’un des plus grands obstacles à surmonter.
Certes, reconnaît le HCR, des progrès ont été accomplis, notamment grâce aux enquêtes menées dans quatorze affaires par la Cour pénale spéciale ; mais les lacunes du système judiciaire demeurent, a insisté M. Türk.
La Cour d’appel de Bambari, destinée à traiter les cas de violations des droits humains, n’a toujours pas commencé ses sessions criminelles, a-t-il observé, avant d’ajouter que la majorité des tribunaux mis en place il y a six ans pour juger les militaires soupçonnés d’avoir commis des violations des droits humains ne sont pas non plus opérationnels.
ARD/APA