Le moins que l’on puisse penser, à parcourir les journaux camerounais parus lundi, est que rien ne va sur les plans aussi bien de la crise anglophone que de l’insécurité en général en passant par l’économie, la gouvernance, la politique ou encore le sport.
«Nord-Ouest/Sud-Ouest : de la crise politique au désastre social et économique». Le titre, pour désespérant qu’il est, trône en couverture de Défis Actuels, généralement modéré et qui constate, ahuri, qu’en trois ans de violence sécessionniste les morts se comptent par centaines et les déplacés par milliers, en même temps que les prestations sociales essentielles (écoles, hôpitaux) sont presque à l’arrêt, l’activité économique étant quant à elle en quasi extinction.
C’est la guerre ouverte, depuis deux années, entre le pouvoir central et les séparatistes autoproclamés de l’État imaginaire qu’ils appellent «Ambazonie» avec un lourd bilan, soupire la publication : plus de 500 civils tués alors que, officiellement, aucun chiffre n’est rendu public sur le nombre de morts et de blessés enregistrés dans les deux camps.
Les combattants sécessionnistes détestent particulièrement ses cérémonies d’enterrement dans la région, notamment pour l’élite anglophone travaillant dans la partie francophone du pays, les obsèques sont constamment perturbées par des attaques sécessionnistes, décrit L’Essentiel à la lumière d’une attaque séparatiste survenue samedi soir dans le Nord-Ouest, après l’inhumation d’un célèbre médecin dont la famille est pourtant connue pour ne pas faire partie des caciques du régime.
Les derniers chiffres de la crise sécessionniste sont terribles, s’exclament Émergence et The Median : alors que l’ONG Human Rights Watch dénombre plus de 170 civils tués en 6 mois, le seul diocèse de Kumbo, non loin de la zone où une tentative de prise d’otages a avorté en fin de semaine dernière comptabilise plus de 370 morts et plus de 750 maisons incendiées.
Et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les atrocités, précisent The Post et Le Guideon, viennent aussi bien des groupes armés que des forces de défense et de sécurité, au moment où des leaders de la cause indépendantiste annoncent la mise sur pied d’un Conseil de libération de leur zone.
On en vient, renchérissent The Sun, The Media et The Guardian Post, jusqu’à oublier qu’un des leaders sécessionnistes, Sisiku Ayuk Tabe et 9 de ses lieutenants, extradés du Nigeria depuis plus d’un an, sont devant le tribunal militaire de Yaoundé, la capitale où ils sont notamment poursuivis pour terrorisme et propagation de fausses informations.
Or, relatent les trois journaux, après avoir longtemps occupé la place des martyrs du mouvement anglophone, les accusés adoptent désormais une posture offensive qui embarrasse la cour.
La justice occupe également le haut de l’affiche dans L’Essentiel, qui consacre tout un dossier à la reprise de l’«Opération épervier» censée lutter contre les criminels économique et qui, selon le tri-hebdomadaire, a inauguré une nouvelle méthode de collaboration avec les limiers du Contrôle supérieur de l’État et du Tribunal criminel spécial (TCS) : les dénonciations.
«Des fonctionnaires ou hommes d’affaires, lésés ou non dans des transactions compliquées avec des gestionnaires indélicats, trouvent du plaisir depuis quelques temps à dénoncer et à voir mettre sous les verrous, ceux qui prennent des libertés avec la fortune publique. Ceux qui sont déjà épinglés ne veulent pas assumer seuls les conséquences des actes posés en coaction. Ils livrent donc, une fois en détention, les secrets des complices supposés ou réels, donnant ainsi du grain à moudre à l’appareil judiciaire qui se sert de ces indices pour mieux creuser et épingler les coupables.»
Des dénonciations, il en est également question dans les colonnes de Sans Détour à propos de la mal-gouvernance à la Cameroon Telecommunications (Camtel) : la procureure générale du TCS, apprend-on, vient de recevoir un brûlot dans lequel l’auteur, anonyme cette fois, dénonce les incongruités des dernières nominations, de même que l’endettement démentiel qui risquent de précipiter le dépôt de bilan de l’entreprise publique.
Autre société d’État sur la sellette dans InfoMatin, c’est la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) oùles prestataires de services, qui ne sont plus payés depuis des années, se voient imposer une ponction conséquente de 30% pour se faire payer sur fond de bakchich, par une entreprise qui se meurt.
De l’eau potable, mais aussi de l’électricité, il en est question dans les colonnes de Repères qui, en grande manchette, se fait l’écho de l’exaspération des populations qui vivent un véritable calvaire avec des coupures faisant désormais partie de leur quotidien et qui causent d’énormes désagréments.
«On dirait que tous les acteurs de la chaîne de production et de distribution de l’eau et de l’électricité se sont passé le mot pour pourrir l’existence aux Camerounais. Et au même moment. Tant ces derniers temps, qui semblent une éternité, le quotidien des habitations de nos villes, et pire des zones rurales, est fait de coupures d’eau et d’électricité tellement récurrentes qu’elles ont fini par devenir des produits précieux.»
Dans un registre pas très éloigné, Intégration analyse le flop des partenariats public-privé (PPP), initiés en grandes pompes depuis 6 ans par le gouvernement et qui, finalement, s’avèrent des flops retentissants du fait, entre autres, de l’impréparation, d’un cadre juridique inadapté, de logiques mercantilistes, de lourdeurs administratives et de l’appropriation insuffisante du concept.
Un autre échec, tout aussi retentissant et qui fait le titre principal de La Météo, concerne la livraison par le Cameroun des infrastructures de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football 2019 ayant finalement connu «un glissement» en 2021 : prévus pour livrés en fin mars, aucun des chantiers (sportifs, hôteliers, routiers, aéroportuaires, médicaux, télécommunicationnels, etc.) n’est aujourd’hui proche du stade des finitions.
«Les autorités avaient annoncé la date du 31 mars comme délai de rigueur pour la livraison des projets de cet événement, appuie L’Anecdote. Outre l’avancement poussif de certaines infrastructures, l’on constate des arrêts de travaux ici et là et le retrait de certains marchés à des entreprises pour incompétence.»
Le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, qui a entrepris de faire «le tour des chantiers», est pourtant formel : sur le terrain, malgré quelques difficultés, les travaux se poursuivent.
FCEB/cat/APA