Le projet de construction, dans la localité camerounaise de Kyé-Ossi (Sud), d’un mur frontalier par la Guinée Équatoriale, suscite une vive émotion dans la capitale du premier pays cité, a constaté APA sur place.
Même si aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée à Yaoundé, on se souvient qu’en fin juillet dernier le chef d’état-major de l’armée camerounaise, le général René Claude Meka, s’était rendu sur place au moment où plusieurs sources signalaient l’empiétement de la frontière par des soldats équato-guinéens qui ont défriché des layons (lignes) au-delà du cours d’eau, matérialisant la frontière naturelle entre les deux pays.
La radio à capitaux publics avait alors, brièvement, dénoncé les velléités expansionnistes du voisin, alors que l’officier général déclarait que l’armée camerounaise ne permettrait «aucune intrusion illicite» sur le territoire national.
Le sujet fait actuellement l’objet de débats passionnés, aussi bien dans les médias à capitaux privés qu’à travers les réseaux sociaux. D’une manière générale, c’est le sentiment d’incompréhension qui domine les échanges, au moment où les politiques évoquent l’intensification des mesures visant une meilleure intégration au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
Et beaucoup de se souvenir des multiples incidents, survenus ces dernières années à Kyé-Ossi, qui matérialise également la frontière avec le Gabon, marqués par des incursions de soldats équato-guinéens à qui sont souvent imputées des maltraitances sur leurs voisins, des expulsions massives de citoyens camerounais ou encore les fréquentes fermetures du poste frontière.
Chercheur à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique, Joseph Owona Ntsama rappelle qu’à l’époque de Macias Nguema Biyogo (octobre 1968-août 1979), la Guinée Équatoriale demandait, voire réclamait son absorption par le Cameroun pour diverses raisons et notamment économiques.
«Le temps a passé, le pétrole est arrivé et ce pays a littéralement changé de physionomie. La conséquence est une émancipation politique et économique, confortée par le recul, il faut bien le dire, hélas, du Cameroun en tant que leader naturel de cet espace géopolitique qu’est la Cemac. Depuis pas mal d’années déjà, la Guinée Équatoriale pèse de tout son poids sur des questions telles le passeport Cemac et Air Cemac, pour ne citer que ces deux initiatives, même si leur aboutissement est questionnable. Je passe sur les problèmes transfrontaliers et les actes de xénophobie, qui ont souvent amené la diplomatie camerounaise à s’ajuster dans l’urgence.»
Pour lui, le mur en projet est la traduction physique et structurelle d’une posture politique confortée dans le temps par ce sentiment légitime de puissance d’un État qui veut affirmer son leadership économique et culturel, et envoyer un signal fort au Cameroun à qui il annonce, clairement, sa démarcation au moment où le processus d’intégration sous-régionale est plombé par la politique extérieure de Yaoundé
FCEB/cat/APA