La réaction, à la fois outragée et musclée, la veille par l’ambassade d’Israël à Yaoundé, au lendemain de propos jugés antisémites du nouveau ministre délégué auprès du ministre de la Justice, Jean de Dieu Momo sur la télévision publique, fait les choux gras des journaux camerounais parus mardi.
Et soudain la presse se figea : «Des propos du ministre Momo, sur la CRTV, débouchent sur une crise diplomatique» ; «Israël furieux contre un ministre camerounais» ; «Momo s’offre en holocauste» ; «L’interview de la honte» ; «Jean de Dieu Momo et le malentendu juif» «Jean de Dieu Momo est-il à abattre ?», titrent respectivement The Guardian Post, Émergence, Mutations, Le Jour, InfoMatin et L’Épervier.
Évoquant «une sortie polémique», Le Jour s’emploie à résumer le contexte : nommé au gouvernement le 4 janvier dernier, M. Momo a fait une comparaison maladroite entre les tensions tribales au Cameroun, exacerbées par la situation des leaders et militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC, opposition), et l’holocauste perpétré par l’Allemagne nazie contre les Juifs.
D’où donc l’ire, ajoute The Guardian Post, de la représentation diplomatique de l’État hébreu, pour qui cette sortie décrit, avec légèreté, une histoire aussi triste et tragique de l’humanité qui fait entorse à l’image des relations entre les peuples camerounais et israélien.
Dans cette intervention télévisée, et finalement controversée, il a, explique InfoMatin, dénoncé ceux qui veulent utiliser une partie du peuple bamiléké contre les autres tribus du Cameroun, en leur disant qu’il faut prendre le pouvoir pour instaurer la méritocratie.
Au cours de l’émission dominicale «Actualités Hebdo», étaye Mutations, Jean de Dieu Momo a bien tenu à préciser qu’il s’exprimait en sa qualité de président national du parti les Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (Paddec, majorité présidentielle), et non de membre du gouvernement, et ce dans le cadre de la politique interne du Cameroun.
Quelle que soit la posture dont il a pu se prévaloir, là où l’homme politique a dérapé, c’est en tentant, fait observer la publication, de faire un parallèle entre le débat qui a cours au sujet de prétendues visées hégémonistes des Bamiléké et l’origine de l’extermination de 6 millions de Juifs entre 1933 et 1945 par les Nazis d’Adolf Hitler.
Cet homme, à bien regarder, n’a aucun problème avec les Juifs, dont le génocide ne peut relever du détail de l’Histoire, soupire L’Épervier : il s’est juste permis de rappeler un fait historique, qui dès lors ne mérite pas cette levée de boucliers.
Toujours est-il que, selon le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, le pouvoir, à travers le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, s’est désolidarisé du trublion en exprimant ses regrets à l’ambassadeur d’Israël à travers un communiqué : «« Le gouvernement camerounais déplore vivement les propos inappropriés de ladite personnalité et s’en dissocie totalement… Au demeurant, l’ambassadeur de l’État d’Israël au Cameroun a été reçu ce lundi 4 février 2019 par le ministre des Relations extérieures, lequel lui a exprimé les sincères regrets du gouvernement camerounais, tout en lui renouvelant l’engagement du Cameroun à toujours œuvrer pour des relations confiantes et mutuellement bénéfiques entre les deux pays.»
S’il y a un fait qu’on ne peut reprocher à Jean de Dieu Momo, c’est son franc-parler, constate InfoMatin : son métier d’avocat lui procure une posture de tribun, qu’il va sans doute devoir polir aujourd’hui qu’il est au gouvernement.
FCEB/cat/APA