L’exacerbation des tensions sociopolitiques, dont la récente visite du sous-secrétaire d’État américain aux Affaires africaines, Tibor Nagy, aura constitué une piqure de rappel, meuble les colonnes des journaux camerounais parus lundi, dans un contexte global de sinistrose radoucie un tant soit peu par la qualification, le week-end, de la sélection de football au tournoi final de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) «Égypte 2019».
La crise sécessionniste anglophone, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, vient de connaître une nouvelle tournure avec, annonce Émergence, plusieurs ministres et généraux de l’armée bientôt sous le coup de sanctions américaines visant, entre autres, le gel des avoirs et l’interdiction de séjour au pays de l’Oncle Sam.
L’Avenir, qui affiche le même sujet en grande couverture, non sans rappeler que ces mesures interviennent au lendemain d’une visite de travail de Tibor Nagy au Cameroun, précise qu’il s’agit de «27 personnalités sanctionnées par les États-Unis», sous l’accusation de multiples atteintes aux droits humains dans cette partie du pays, en proie à des violences séparatistes depuis octobre 2016.
Les prises d’otages, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, sont devenues quasi-quotidiennes du fait de l’insécurité qui prévaut dans cette partie du pays, marquée par des attaques des sécessionnistes de l’État fantôme d’Ambazonie devenu le terreau de différents rapts, toute chose qui, suggère finement L’essentiel, peut expliquer que les forces de défense et de sécurité aient la main particulièrement lourde vis-à-vis des factieux.
La preuve que l’armée n’a pas affaire à des enfants de chœur s’affiche, justement, en images en couverture de The Guardian Post mais aussi dans les pages intérieures de The Median : des blessures infligées à de jeunes footballeurs, enlevés la semaine dernière par des sécessionnistes et qui, avant leur libération, ont subi toutes sortes de châtiments corporels et d’humiliations.
Évoquant une guerre asymétrique, Tibor Nagy, dans les colonnes de The Median, dit sa peur que le conflit sécessionniste finisse par dégénérer comme jadis la guerre du Vietnam, un avis que ne partage pas, dans une interview accordée à The Sun, un dignitaire du régime et natif de la zone anglophone, Elvis Ngolle Ngolle.
«Les États-Unis exigent-ils le départ de Biya ?» se demande gravement L’Indépendant à propos du cadeau, très parlant, remis justement au chef de l’État camerounais le 18 mars dernier par l’émissaire américain : un gros plan vieux des premières années de Paul Biya au pouvoir en compagnie de l’ancien vice-président américain, Walker Bush (1981-1989).
Cette photo vaut mille mots, constate le bihebdomadaire, rappelant que depuis lors, Paul Biya a vu passer 4 présidents américains : Bill Clinton (1993-2001), Georges W. Bush (2001-2008), Barack Obama (2008-2016) et Donald Trump, dont le premier mandat s’achève l’année prochaine.
«Washington, explique l’analyste Joseph Léa Ngoula dans les colonnes d’Intégration, est venu passer un message. Il reste à l’écoute. Il observe la situation. L’évolution des relations entre le Cameroun et les États-Unis va dépendre de l’attitude du chef de l’État camerounais. Si ce dernier décide de maintenir le statu quo dans les questions de politique intérieure, il va de soi que l’on va assister à un véritable refroidissement des relations entre les deux pays. Cette dégradation va se manifester par des sanctions graduelles. On ira de la réduction de l’aide aux gels des avoirs des personnalités clés du régime, en passant par des interdictions de voyager. Par contre, s’il décide de desserrer l’étau, cela devrait rassurer Washington. En retour, les États-Unis pourraient injecter plus de ressources pour soutenir le processus de paix.»
Paul Biya, s’insurge L’Avenir, est le responsable en chef de tout ce qui arrive au Cameroun. et d’appuyer ainsi sa récrimination : comment a-t-il pu nommer, pendant 36 ans à de hautes fonctions, des voleurs ? comment un chef peut-il mettre en place une telle bande de malfaiteurs présumés, sans être lui-même en cause ? Le président Biya a construit son système sur la base de l’embourgeoisement d’une certaine élite administrative, politique et militaire. Et s’il ferme le robinet, tout le monde tombe y compris lui-même, bien sûr.
À titre d’illustration, Le Messager, sous le titre «Alamine Ousmane Mey au centre d’un scandale», affiche en grande manchette un portrait avantageux de l’ex-ministre des Finances muté depuis début janvier à l’Économie, et qui selon la publication a légué à son successeur un dossier mettant en jeu de gros intérêts avec une nébuleuse sud-coréenne, et dont les enjeux pourraient faire perdre plus de 135 milliards FCFA.
Le même type de dénonciation s’affiche chez Aurore Plus à propos de l’ex-ministre de la Défense (Mindef), Edgard Alain Mebe Ngo’o, emprisonné depuis deux semaines et qui, à en croire le bihebdomadaire, n’en a visiblement pas fini avec les affaires glauques qui rattrapent ses longues années de règne avec, cette fois, le dossier Defex SA.
Il s’agit, apprend-on, de cette société publique ibérique d’armement avec laquelle l’ancien membre du gouvernement passa cinq contrats jusqu’en 2013 pour plus de 64,6 milliards FCFA, et dont les soupçons de rétro-commissions intéressent aujourd’hui la justice espagnole.
«À ce jour, l’actualité ne peut plus se contenter de la simple caricature. Edgard Alain Mebe Ngo’o a été écroué à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui, analyse Intégration. Comme un capitaine et ses lieutenants, le tout-puissant ministre de la Défense (2009-2015), qui doit répondre des charges de détournements et de malversations présumés de fonds publics, a entrainé avec lui quelques hauts-dignitaires de l’armée nationale.»
Passant sans transition au football, L’Indépendant, suivi d’Émergence, annoncent que les «Lions indomptables», vainqueurs samedi à domicile des Comores (3-0), défendront leur titre continental en juin prochain en Égypte.
La qualification est là certes, confirment Le Messager, L’Essentiel et le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune ; sauf que les deux premières publications citées ne manquent pas de mettre en garde contre une mauvaise surprise du Tribunal arbitral du sport (TAS), que les malheureux Comoriens ont saisi pour faire disqualifier leurs bourreaux au prétexte que l’organisation de la CAN 2019 lui ayant été retiré, le Cameroun devrait également être disqualifié de la compétition.
FCEB/cat/APA