Deux camps, diamétralement opposés, s’affrontent dans les journaux camerounais parus lundi au sujet des résolutions critiques du Parlement européen concernant la démocratie, les droits de l’homme et la crise anglophone.
«Parlement européen : la résolution qui trahit le complot» ; «Parlement européen : un complot éventré» ; «Plan occidental de déstabilisation du Cameroun : la désapprobation» ; «Nord-Ouest/Sud-Ouest, Kamto… le Cameroun dit NON à l’UE» ; «Crise anglophone, détention de Kamto : Yaoundé s’oppose à la position « biaisée » de l’UE» ; «Accusations contre le Cameroun : le Sénat dit non au Parlement européen» ; «Le Sénat rejette les résolutions de l’UE» ; «Le Sénat et l’Assemblée nationale s’opposent aux résolutions de l’Union européenne sur la crise anglophone» ; «Ingérence : le coup de grâce des Américains et des Européens contre Paul Biya» ; «Affaires intérieures du Cameroun : pernicieuse ingérence du Parlement européen», titrent respectivement Repères, Génération Libre, La République, L’Essentiel, The Guardian Post, La Météo, The Sun, The Post, L’Avenir et sans Détour.
Pour le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, les deux Chambres du Parlement national viennent de dénoncer ce qu’elles qualifient de tentative de dénigrement du pays, à travers la sortie des députés européens qui déplorent des actes de torture, des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires, perpétrées aussi bien par l’armée que par les groupes séparatistes dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, exprimant par la même occasion leurs vives préoccupations face aux actions des forces gouvernementales lors des violences, et demandant aux forces de sécurité de respecter le droit international en matière de droits de l’homme lors de leurs opérations.
Les Camerounais y voient non seulement une tentative grossière d’ingérence, mais aussi des menaces teintées de chantage envers leur pays, renchérit L’Essentiel alors que, pour La Météo, la posture de l’UE «s’apparente à la mise en branle d’un agenda de déstabilisation».
Pour recentrer le débat, et face à leurs 17 autres collègues ayant pris la parole ce jour pour fustiger le régime de Yaoundé, deux eurodéputés français, tous du Front national (FN), opposent des arguments contraires, reprend Repères : pour recentrer le débat, et face à leurs 17 autres collègues ayant pris la parole, vendredi dernier pour fustiger le régime de Yaoundé, ces élus du Front national (FN) opposent des arguments contraires.
Pour Dominique Bilde, repris par L’essentiel, le Cameroun n’a besoin ni de l’ingérence, ni surtout de la condescendance de l’UE alors que, pour son collègue Jean-Luc Schaffhauser,le Cameroun, mosaïque ethnique, linguistique et religieuse très fragile, a à sa tête un Paul Biya qui est sans doute allé trop loin dans le processus de centralisation, alimentant ainsi le ressentiment des populations anglophones et le séparatisme musulman, mais ce séparatisme est alimenté et instrumentalisé par des puissances extérieures.
Localement, explique Mutations, le pouvoir, sans se laisser démonter, abat ses cartes à travers certains de ses dignitaires, des «jokers» qui montent progressivement au créneau depuis peu pour dénigrer à leur tour ce qui est globalement considéré comme une sortie maladroite du Parlement de l’UE vis-à-vis d’un partenaire.
Pour Le Jour, le Parlement européen a, au moins, réussi à sortir le système de son indolence chronique, allant même jusqu’à l’affoler lorsqu’il évoque par exemple l’arrestation et l’incarcération du leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, opposition), Maurice Kamto et d’autres manifestants pacifiques, demandant au gouvernement de libérer immédiatement toutes les personnes détenues pour des chefs d’inculpation de nature politique, arrêtées avant et après l’élection présidentielle du 7 octobre 2018.
«Face aux critiques acerbes, les dirigeants camerounais usent d’un ton virulent et paranoïaque», tacle Aurore Plus qui parle de «la gifle du Parlement européen au Cameroun».
«Avant l’UE, il y eut les États-Unis et bien d’autres puissances occidentales. Sans compter les multiples appels à changer de braquet, venant de la société civile et de l’opposition camerounaise. A ce jour, le pouvoir de Yaoundé, comme un seul homme, préfère se réfugier derrière une litanie de dénis. Pire, en dehors des rappels de ‘’souveraineté’’ de l’État du Cameroun, on a amplement développé le discours de la tentative de déstabilisation, voire d’ingérence, là où chacun peut constater que rien ne va.»
FCEB/te/APA