Un célèbre producteur de musiques mortellement agressé à son domicile, un lycéen poignardé à mort le jour de la remise des bulletins de notes du 2ème trimestre et l’interminable guerre sécessionniste anglophone, marquent d’une empreinte particulière les colonnes des journaux camerounais publiés mardi.
«Douala : qui a tué Jean Pierre Saah ?» l’interrogation s’affiche en pied de couverture du quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, mais aussi de son confrère Le Messager à propos de celui qui a permis l’éclosion de plusieurs talents, ou consacré le succès de la musique locale et étrangère, assassiné dans la nuit de dimanche à lundi à son domicile à Douala, la métropole économique, et dont les bourreaux continuent de courir.
À l’annonce de son décès, beaucoup de personnes ont cru à un poisson d’avril, soupire Mutations. C’est que, renchérit Le Jour, la nouvelle a rapidement été assimilée à une blague de mauvais goût, au vu de la date.
Pour la famille artistique, c’est un véritable choc, décrit la première publication citée, beaucoup n’en reviennent pas encore et les circonstances du drame en rajoutent une couche.
«En effet, Jean Pierre Saah a fortement marqué la culture camerounaise et africaine dans la période comprise entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. Avec sa maison JPS Production, il a produit plusieurs des grands artistes camerounais et africains de l’époque et de l’heure.»
Allongé sur le sol au salon, les mains et pieds ligotés dans le dos, l’homme de 65 ans a été étranglé à l’aide de lacets et de vêtements déchirés par des hommes, au moins 7, agissant à visage découvert, détaille The Guardian Post.
Et Mutations de rappeler que le producteur a disparu des hits depuis une décennie, son nom n’apparaissant plus que dans la chronique des faits divers, suscitant des rumeurs aussi folles les unes que les autres, certains allant jusqu’à lui attribuer des connections avec des réseaux d’arnaque à l’étranger.
Ce célèbre personnage suscitait en effet les rumeurs les plus controversées sur sa fortune, confirme The Guardian Post, s’empressant aussitôt d’embrayer sur les 200 personnes, présumés membres de mouvements sécessionnistes, arrêtées pendant le week-end dans la localité de Mutenguene (Sud-Ouest).
La crise anglophone déborde de plus en plus dans la région voisine du Littoral, prolonge Mutations, rendant compte d’une nouvelle attaque attribuée aux séparatistes, survenue la veille dans la localité de Penda-Mbokoet au cours de laquelle 3 gendarmes ont été atteints par balles.
Dans les colonnes de The Watchdog Tribune, c’est le ministre de l’Administration territoriale, qui déplore le taux de mortalité élevé, dans les buissons, des jeunes enrôlés par les forces sécessionnistes. Et Paul Atanga Nji de les appeler à désarmer avec la promesse d’une formation et d’un capital financier pour débuter dans la vie professionnelle.
Un jeune qui n’a plus aucune chance de se reconvertir, c’est Bleuriot Rosmann Tsanou, élève en classe de 2ndC au lycée bilingue de Deïdo, mortellement poignardé vendredi dernier par un racketteur dans l’enceinte de l’établissement situé dans la métropole économique et qui arrache ce cri d’indignation à Cameroon Tribune : «Établissements scolaires : les violences de trop».
Pour la publication, ce drame est loin de constituer un acte isolé : nombre d’élèves, d’enseignants et d’encadreurs en charge de la discipline dans le pays, sont victimes de divers actes de violence au sein des établissements scolaires, une spirale qui va grandissant.
L’affaire dans l’affaire, rappellent Mutations et The Guardian Post, ce sont ces infirmières de l’hôpital où le jeune blessé a été conduit d’urgence, et qui plutôt que de s’affairer pour sauver une vie ont, massivement, actionné la caméra de leur téléphone pour filmer l’agonie de l’infortuné, avant de poster ces images insoutenables sur les réseaux sociaux.
Boko Haram dans l’Extrême-Nord, velléités sécessionnistes au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, insécurité galopante dans l’Adamaoua et à la frontière avec la République centrafricaine, flot de réfugiés étrangers et de déplacés internes, revendications post-élection présidentielle, injonctions des milieux diplomatiques américains et de l’Union européenne au gouvernement, tir de barrage médiatique à l’intérieur et à l’étranger contre Yaoundé : voilà bien un éventail explosif qui exhale comme une orchestration subtile de tous ces facteurs vers une fragilisation du pouvoir savamment programmée et méthodiquement planifiée, résume, dépité, l’ex-journaliste Zacharie Ngniman dans les colonnes de Mutations.
«C’est le lieu de relever que depuis 1982, année de son accession à la tête de l’État, l’analyse sur le parcours de Paul Biya fait ressortir, en lieu et place d’une magistrature présidentielle apaisée, un saut d’obstacles permanents vaincus pour la plupart grâce à un sursaut de courage et d’abnégation. Mais pas seulement. En effet, un regard approfondi permet d’établir sans conteste que si l’État, socle de la Nation, se montrait faible, nous péririons.»
FCEB/cat/APA