Les journaux camerounais parus jeudi ont mis à profit de la visite de travail du ministre français en charge de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour revisiter la relation ambiguë entre Paris et Yaoundé.
Sourire aux lèvres et chaleureuse poignée de main, le président Paul Biya et le chef de la diplomatie hexagonale ornent la couverture de Mutations. Sous le titre «Le Drian au Cameroun : aire France», le quotidien à capitaux privés remet en surface l’intérêt de l’emprise de Paris sur Yaoundé sur fond d’expansion néocoloniale.
«Expansion : Jean-Yves Le Drian arrive avec le made in France», confirme Le Quotidien de l’Economie pour qui la reconquête des parts de marché est bien l’aiguillon de la nouvelle offensive diplomatique française au Cameroun. Pour The Guardian Post, le président français Emmanuel Macron a envoyé son ministre pour réconcilier Paul Biya avec un peuple meurtri par la pauvreté et, surtout, des crises sociopolitiques multiformes.
Préférant relever «une nouvelle dynamique», Cameroon Tribune et Le Quotidien rappellent que la visite de travail de M. Le Drian se situe dans le prolongement de l’entretien du 10 octobre dernier, à Lyon, entre le chef de l’État et son homologue français, en marge de la 6è Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Sauf qu’il y a un os, objecte InfoMatin sous le titre «Ingérence : le Drian organise un Grand dialogue-bis» : les contacts, au Cameroun, du ministre français laissent croire qu’il a été mandaté par Emmanuel Macron pour reprendre la grande palabre tenue du 30 septembre au 4 octobre à Yaoundé, en vue de trouver une issue pacifique à la crise qui depuis trois ans persiste dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Cet autre quotidien à capitaux privés en veut pour preuve la rencontre entre l’hôte du pays et les partis politiques représentés au Parlement avec en soubassement l’intention clairement affichée d’une pression supplémentaire, sur le pouvoir de Yaoundé, avec un accent sur le processus de décentralisation. D’où, souligne la publication, une certaine gêne, au sein de la classe politique locale où on voit mal un ministre camerounais, quel que soit son rang et ses prérogatives, convoquer pareilles tractations sur le sol français.
«S’il est certes admissible que la France puisse apporter son concours diplomatique à un pays partenaire, il est par contre choquant, voire inamical, qu’un tel degré d’immixtion se manifeste de manière aussi ostentatoire.»
La France fait plus que s’ingérer dans la sauce politicienne camerounaise, renchérit Le Messager : en dépêchant à Yaoundé son ministre, et en insistant pour qu’il soit reçu en audience par Paul Biya en personne, le gouvernement français a habilement manœuvré pour que le chef de l’État ne se rende par à Sotchi où, le même mercredi, s’ouvrait le premier sommet Russie–Afrique consacré en grande partie aux nouveaux axes de coopération entre Moscou et le Continent noir.
FCEB/cat/APA