Au Cameroun, pour gagner l’estime et la confiance d’une personne on peut, entre autres amabilités, lui offrir simplement de la kola. Qu’on soit du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest, qu’on soit chrétien, musulman ou animiste, riche ou pauvre, jeune ou vieux, la kola proposée en dégustation collective permet l’ouverture de toutes les portes.
« Se partager la kola est déjà en soi communier ensemble. Lorsque vous voyez votre prochain et que vous lui proposez de la kola, on ressent d’emblée qu’il existe une complicité, un rapprochement. Même si auparavant vous étiez des inconnus », affirme Jean Bofia.
Vendeur de kola au marché Ndokoti, dans le troisième arrondissement de Douala, il relève que le fruit du kolatier garde toutes ses vertus de ciment social, malgré ses nombreuses variétés. « Les gens peuvent avoir des préférences et vous demander si vous avez de la kola Bafia, Bassa ou la kola du Nord qu’on appelle généralement le +Goro + » explique Jean, non sans souligner qu’en dépit de ces différenciations liées à la qualité du produit « les vrais consommateurs » n’en tiennent pas compte et croquent à belles dents toutes les kolas.
Dans les manifestations, sociales comme culturelles, la kola y a droit de cité. Servant toujours à bonifier les humeurs et à détendre l’atmosphère, en libérant la parole.
Si elle ne passe pas de main à main durant les tontines, les funérailles et autres mariages et baptêmes, elle peut trôner au côté de l’éternelle boisson sur la table des habitués des buvettes et bars du Cameroun. « Lorsque je suis dans une buvette avec les gens et j’ai la kola, je la divise et chacun prend un morceau. Je ne vais pas dire que puisque je ne te connais pas ou que tu n’es pas mon ami, je ne te donne pas la kola. Non ça ne se passe pas comme ça. Tout le monde qui est présent et qui veut en partager a droit à la kola. Un point c’est tout », affirme Papa Dika, un notable de la chefferie du canton Akwa, dans le premier arrondissement.
Au-delà d’un simple partage entre bon vivants, la kola sert dans beaucoup d’ethnies du pays, notamment chez les Bassas à faciliter les approches en vue d’un mariage. Ainsi, pour demander la main d’une jeune fille comme pour la doter, la coutume veut qu’on s’arme, en plus du vin de palme, de kola à offrir aux futurs beaux-parents, explique le patriarche Mbombog Babem.
En d’ajouter, « c’est quand la kola est acceptée par la belle-famille que l’on peut engager les échanges. La kola est un élément fédérateur. Et le fait de partager un petit morceau avec l’assistance signifie acceptation du mariage ».
Cette fraternité autour de la kola se ressent encore davantage dans les campagnes où, selon le sociologue, Paul Maniben, « des habitants en signe de bienvenue ou d’au revoir, préfèrent vous donner de la kola que de vous offrir un coq ou un régime de plantain ».
Offerte de la sorte, la kola symbolise « la fraternité, l’amitié, l’hospitalité, la concorde (…) la joie et le bonheur » qu’on souhaite instaurer dans les rapports avec son voisin.
Pour l’abbé Léonard Batjé, prêtre du diocèse d’Edéa, dans le Littoral, « la kola est un facteur d’union et d’unité. Se partager la kola, c’est aimer son prochain ». Selon l’ecclésiastique, la convivialité autour de la kola est telle que ceux qui n’en consomment pas en prennent quand même durant les cérémonies familiales, histoire de contribuer à la bonne humeur générale.
Remontant dans l’histoire, il a rappelé que c’est avec des noix de kola que les autochtones ont accueilli en 1947 les missionnaires français qui étaient à la recherche d’un site pour construire la paroisse Saint Joseph de Bisseng dans le diocèse d’Edéa.
Intarissable sur les vertus sociales de la kola, il affirme que « c’est peut-être le seul aliment au monde qu’on n’aime pas souvent consommer seul et qu’on propose même aux gens qu’on ne connaît pas. Ainsi, il favorise le rapprochement entre les hommes sans tenir compte de leurs origines ou de leur statut social ».
MBOG/cat/APA