Le célèbre saxophoniste camerounais Manu Dibango, 86 ans, est décédé mardi matin à l’hôpital de Merlin, situé en région parisienne, des suites de coronavirus, a annoncé son site officiel, indiquant que «les obsèques auront lieu dans la stricte intimité familiale»
Considéré comme une icône de la musique locale et africaine, le «Grand Manu», de son vrai nom Emmanuel N’Djoké Dibango, venu au monde le 12 décembre 1933 dans une famille protestante à Douala, la métropole économique, prend la mer en 1949 pour joindre Saint-Calais, avec l’ambition de décrocher son baccalauréat en France et de poursuivre, selon le vœu de son géniteur, des études de médecine ou d’ingénierie.
«Je suis un enfant élevé dans le ‘’Alléluia’’, mais cela ne m’empêche pas d’être Africain», aimait-il à rappeler, précisant avoir chopé le virus de la musique de sa maman, qui dirigeait une chorale à sa naissance.
À Chartre, l’adolescent se met en effet au piano et au saxophone, et débute ses prestations dans les cabarets. «N’Djoké, ça veut dire ‘’l’éléphant’’ en langue sawa et un éléphant, ça trompe énormément», se remémorait la voix de stentor souvent dans son légendaire éclat de rire. Sauf que papa ne goûte que très peu ce penchant pour la musique considérée à l’époque comme un métier de voyous.
Bille en tête, Manu Dibango traverse la frontière et dépose ses valises à Bruxelles. C’est dans la capitale belge qu’il fait la rencontre de Joseph Kabasele, artiste congolais est un homme d’affaires prospère. C’est également son dans cette ville que sa route croise la route de celle qui deviendra son épouse, la Belge et blonde Coco, avec qui il se marie en 1957 et qui est décédée en 1995. Parti au Congo-Léopoldville pour quelques jours de concerts, Manu y mettra deux années.
Après un crochet dans son pays natal, en 1963 sur injonction de papa, le jeune homme pressé reprend la route de l’Occident et de l’Amérique où il se frotte à Henri Salvador, Dizzy Gillespie, Otis Redding, King Curtis, Edith Piaf, Serge Gainsbourg, Nino Ferrer, Georges Moustaki ou encore King Curtis, lequel avouait-il a influencé ses sonorités du saxophone.
Le déclic de sa carrière intervient par le plus grand des hasards. À la veille de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football, qu’organise son pays, le saxophoniste est chargé de composer l’hymne de la compétition. Le titre «Soul Makossa» reçoit un succès phénoménal. Aux États-Unis, il est l’un des tout premiers artistes africains à se produire, en 1979, au légendaire théâtre Appollo de Harlem, puis au Yankee Stadium et au Madison Square Guarden de New-York. Il sera le premier Africain à se produire à l’Olympia, à Paris.
«Soul Makossa» est présenté, par la critique, comme la prémisse de la «World Music». Très influencé par le jazz, Manu Dibango dirige, de 1975 à 1979, l’orchestre de la Radiotélévision ivoirienne. Parrain d’instrumentistes aussi célèbres de Richard Bona ou Etienne Mbappè, cet auteur d’une trentaine d’albums a également signé de multiples collaborations avec Angélique Kidjo, Huges Masekela, Manu Katché, Papa Wemba, Peter Gabriel, Ray Lema, Salif Keita et autre Youssou N’Dour, il a aussi signé les musiques de films tels que «Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer», ou encore «Kirikou et les bêtes sauvages».
Trophée d’Or à l’Olympia en 1977 pour l’ensemble de sa carrière, Victoire du meilleur album de musique de variétés instrumentales de l’année 1992, il fut aussi le premier musicien africain à recevoir, en 2003, le Grand Prix de l’Académie Charles Cros. Consacré en 2000 comme Artiste-musicien camerounais du siècle, nommé Artiste de l’Unesco pour la paix en 2004 il a, le 14 juillet 2010, été élevé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur française.
FCEB/cgd/APA