La responsabilité de l’armée camerounaise, reconnue par le gouvernement dans ses propres conclusions sur le massacre de civils, le 14 février 2020 dans la localité anglophone de Ngarbuh (Nord-Ouest), est une «étape importante vers la justice pour ces crimes graves», selon Human Rights Watch (HRW).
Dans une déclaration publiée samedi après-midi, l’ONG de défense des droits humains estime que ce rapport, rendu public mardi par la présidence de la République, ne doit pas être une action isolée. Pour elle, une enquête plus approfondie est nécessaire pour établir la chronologie claire des événements, identifier et poursuivre tous les responsables, y compris ceux qui sont hauts placés dans la chaîne de commandement.
«L’attaque de Ngarbuh n’est pas un cas isolé, mais s’inscrit dans un cycle plus large de graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité camerounaises dans les régions anglophones», note HRW, qui affirme avoir «documenté de multiples opérations contre-insurrectionnelles abusives dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2017», insistant en outre sur le massacre de 21 civils dans ce village.
Yaoundé a en effet reconnu la responsabilité de l’armée dans la mort de 10 femmes et 3 enfants, au cours d’une opération menée contre des milices séparatistes dans la nuit du 13 au 14 février dans le Nord-Ouest. Selon la synthèse du rapport de l’enquête commandée par le chef de l’État Paul Biya, il est apparu que, «du fait de son action», le détachement des forces de défense et de sécurité est à l’origine de cette tuerie dans ce village, présenté comme un repaire indépendantiste.
Par la suite, les trois soldats ayant conduit les opérations, aidés en cela par des membres du comité de vigilance, «ont tenté de masquer les faits par des incendies». De même, une fois revenu à sa base de Nturbaw, le chef de l’opération «a adressé à sa hiérarchie un compte rendu volontairement biaisé» sur la base duquel le gouvernement, à son tour, a fondé sa communication initiale sur le drame.
A la suite de ce qui est présenté comme une bavure, Paul Biya a, entre autres, instruit que les militaires et civils coupables soient sanctionnés, que les victimes soient exhumées et bénéficient d’obsèques dignes. Il a également annoncé des indemnisations pour les familles et la création base militaire à Ngarbuh.
Réagissant audit rapport, l’Union européenne a évoqué «une avancée vers la sortie de crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest». Pour le Haut commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Michèle Bachelet, les coupables doivent répondent de leurs actes. Expert en droits de l’homme Hilaire Kamga exige pour sa part la mise en place d’une commission d’enquête indépendante et pluri-acteurs, le rapport gouvernemental est biaisé.
FCEB/te/APA