La junte malienne a publiquement menacé de s’en prendre à la compagnie canadienne Barrick Gold, un des groupes étrangers travaillant dans les secteur aurifère et minier, qui a rejeté les accusations de manquements à ses engagements formulées par les autorités.
Barrick Gold, soumise aux pressions exercées par les autorités au nom de la souveraineté nationale, détient 80% et l’Etat malien 20% des deux sociétés propriétaires du complexe aurifère souterrain et à ciel ouvert de Loulo-Gounkoto, l’un des plus importants au monde, dans l’ouest du Mali.
Les relations sont tendues depuis des mois entre Barrick Gold et les autorités dominées par les militaires qui ont pris le pouvoir en 2020 et qui ont entrepris de renégocier les conditions d’exploitation des ressources naturelles, dans l’intérêt des Maliens, disent-ils.
Quatre employés de Barrick Gold avaient été arrêtés en septembre pour des raisons non divulguées. Ils avaient été relâchés après plusieurs jours et Barrick Gold avait alors indiqué qu’une « solution globale (avait été trouvée) aux demandes et litiges existants » avec l’Etat malien.
Les ministères des Mines et de l’Economie ont accusé Barrick Gold d’avoir manqué aux engagements pris dans le cadre de cet accord et avoir décidé d’en « tirer toutes les conséquences« .
– « Risques sérieux » –
Dans un communiqué commun publié sur les réseaux sociaux, ils invoquent des infractions « relatives à la responsabilité sociétale et environnementale et à la réglementation des changes« . Ils parlent de « risques sérieux » pour le futur du groupe au Mali, dont « l’un des permis d’exploitation expire au début de l’année 2026″.
Dans un communiqué jeudi soir, Barrick Gold a « rejet(é) les allégations » de Bamako selon lesquelles « elle n’aurait pas respecté (s)es engagements« .
L’accord visait, a précisé l’entreprise, à répartir plus équitablement l’exploitation des ressources minérales au profit de toutes les parties.
« Début octobre, Barrick a effectué un paiement au gouvernement de 50 milliards de FCFA (80 millions d’euros) » dans ce cadre, a indiqué la compagnie, en se disant « déterminée à trouver une solution mutuellement acceptable » pour résoudre « l’impasse actuelle ».
Au Mali, Barrick Gold opère seulement à Loulo-Gounkoto.
Les militaires ont fait du rétablissement de la souveraineté un de leurs mantras en prenant les commandes de ce pays pauvre confronté au jihadisme et plongé dans une crise multidimensionnelle profonde.
Ils se sont engagés à une répartition plus équitable des revenus de l’exploitation minière, dominée par les groupes étrangers, alors que le Mali figure parmi les premiers producteurs d’or en Afrique.
Les milieux miniers font état de fortes pressions exercées sur les opérateurs étrangers.
– Nationalisation –
Les autorités viennent de finaliser la nationalisation de la mine d’or de Yatela (ouest) après de longues négociations entamées avant l’accession des militaires au pouvoir.
Le conseil des ministres a adopté mercredi un décret approuvant le contrat de cession à l’Etat des parts détenues dans la coentreprise exploitante par la sud-africaine AngloGold Ashanti et la canadienne Iamgold, à hauteur de 40% chacune. L’Etat détenait déjà les 20% restants.
Les activités de la mine ont été arrêtées en 2016 à cause de la baisse soudaine du cours de l’or, a précisé le gouvernement dans un communiqué. Mais « les réserves ne sont pas totalement épuisées ».
En annonçant la cessation de la mine en fonction depuis 2001, AngloGold avait invoqué la baisse du cours de l’or, la diminution des marges et la sécurité des mineurs.
Iamgold et AngloGold cèdent la mine « au franc symbolique », avait dit le ministre de l’Economie Alousséni Sanou à l’occasion de la signature de l’accord de cession plus tôt en octobre.
L’Etat va toucher 36 millions de dollars pour la fermeture et la réhabilitation et « le contentieux fiscal a abouti à un règlement dans les cinq jours d’un montant de 2,5 milliards (de francs CFA, 4 millions d’euros) qui vont revenir au Trésor« , avait-il ajouté, en affirmant que « la mine a un potentiel important ».
Elle va être transférée à la Société de recherche et d’exploitation des ressources minérales du Mali (Sorem), entreprise d’Etat créée en 2022 par la junte pour que « l’or brille davantage pour tous les Maliens« .
La société australienne Firefinch a annoncé en mai transférer à la Sorem toutes ses parts dans la mine d’or de Morila pour un dollar, ainsi que tous ses titres miniers au Mali, également pour un dollar.
TE/Sf/APA avec AFP