La France pourrait prendre l’initiative de suppression du franc CFA, une monnaie qualifiée de « coloniale », a déclaré vendredi un économiste sénégalais.
Les projets de suppression du franc CFA et de création de l’Eco alimentent les débats en Afrique de l’Ouest depuis plusieurs années. Dans un contexte marqué par une réduction significative de l’influence française dans la région, la France, longtemps garante du franc CFA, pourrait prendre l’initiative d’abandonner cette monnaie souvent décriée comme « coloniale ». C’est ce qu’a affirmé Magaye Gaye, économiste sénégalais, dans une interview publiée vendredi par le quotidien Le Soleil.
« En tenant compte des hésitations constatées dans les pays africains de la zone franc, qui semblent craindre un saut dans l’inconnu que pourrait représenter une sortie brutale du dispositif actuel, je crains que l’initiative de la rupture ne vienne finalement de la France », a déclaré l’ancien fonctionnaire de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).
Selon lui, cette hypothèse est d’autant plus plausible que Paris, confrontée à des tensions politiques internes et à une crise économique, s’efforce de réorienter sa diplomatie vers des partenariats stratégiques avec des pays comme l’Éthiopie, le Nigéria ou l’Afrique du Sud. « La France n’a plus rien à perdre dans cette relation monétaire », a-t-il ajouté.
Magaye Gaye souligne que la France, fragilisée, est sous pression face à une jeunesse africaine désireuse de tourner la page, une société civile consciente des enjeux de souveraineté, et des dirigeants africains prenant davantage leurs responsabilités dans un contexte de rupture.
L’économiste envisage aussi un scénario alternatif, où un pays comme la Côte d’Ivoire, moteur de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) représentant plus de 40% de son PIB, pourrait décider de battre sa propre monnaie, notamment après l’élection présidentielle de 2025.
En revanche, il se montre sceptique quant à l’aboutissement du projet de monnaie unique Eco, estimant que les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont des intérêts trop divergents. Les pays anglophones, comme le Nigéria, souffrent souvent d’un problème de « discipline monétaire », tandis que ceux de la zone franc, avec leur croissance « extravertie et appauvrissante », semblent aller à « contre-courant » des objectifs de la Cedeao », a-t-il conclu.
ODL/Sf/te/APA