La Gambie a récemment demandé l’aide du Nigeria pour imprimer sa monnaie, le dalasi, mais dans quelle mesure le géant économique ouest-africain est-il fiable pour mener à bien cette opération ?
Le gouverneur de la Banque centrale de Gambie, Buah Saidy, a sollicité un partenariat avec son homologue nigérian afin de remédier à la grave pénurie de devises et aux autres problèmes de gestion monétaire auxquels son pays est actuellement confronté.
La banque centrale de Gambie dépend de son imprimeur actuel, De La Rue de Londres, pour ses besoins en devises, ce qui, selon M. Saidy, a un coût prohibitif et est non viable à long terme.
Selon lui, cette opération coûte à sa banque environ 70.000 (livres) à chaque fois pour transporter des devises imprimées du Sri Lanka vers la Gambie.
De nombreux billets de banque gambiens sont de qualité douteuse, notamment les nouvelles coupures D20 et D10.
Les problèmes monétaires sont si difficiles à résoudre que les banques gambiennes n’hésitent pas à émettre des billets de banque mous à leurs clients, car elles sont rapidement à court de billets neufs.
Les nouvelles coupures introduites en 2019 ont déjà pris des rides irréversibles à cause de leur surutilisation et de leur mauvaise utilisation par un public gambien peu sensibilisé à la manipulation des billets de banque, en particulier ceux de type fragile, actuellement en circulation.
Le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, Godwin Emefiele, a promis d’aider la Gambie, mais certains experts ont remarqué un fait gênant.
Malgré l’existence d’un hôtel des monnaies au Nigeria depuis les années 1960, la nation la plus peuplée d’Afrique imprime sa propre monnaie, le naira, à l’étranger depuis des décennies.
Critiquant cette anomalie, le professeur Lanre Olaniyan, économiste nigérian à l’université d’Ibadan, estime que la CBN devrait d’abord mettre de l’ordre dans ses affaires avant de proposer son aide à un autre pays.
Il a déclaré que la capacité de la société Nigeria Security Printing and Minting, longtemps négligée, devrait être augmentée pour imprimer le naira dans le pays, avant de faire des affaires avec ses voisins ouest-africains.
« Je suis conscient du fait que nous imprimons le naira à l’extérieur…La proposition de la Gambie montre que nous avons la capacité d’imprimer notre propre monnaie de manière indépendante et d’économiser des devises étrangères », a-t-il déclaré, cité par la News Agency of Nigeria (NAN).
Selon l’économiste, tout dépendra de la capacité du Nigeria à mener à bien cet accord de frappe de monnaie avec la Gambie, qui servira de lever de rideau à d’autres projets commerciaux de ce type, avec d’autres pays.
« Si nous sommes en mesure d’honorer cette proposition, d’autres pays feront des propositions similaires. C’est une situation de gagnant-gagnant pour le Nigeria et cela devrait nous encourager à gagner des revenus supplémentaires », a-t-il déclaré.
Le gouverneur de la CBN, M. Emefiele, s’est montré très confiant et optimiste quant au fait que le Nigeria tiendra sa promesse d’aider la Gambie à faire face à ses problèmes de devises.
« Et je puis vous assurer que nous pouvons être extrêmement compétitifs, ne serait-ce que du point de vue de la logistique et du fret en provenance d’Europe, mais ici, il ne faudra que quelques heures d’ici à la Gambie et aux autres pays », a-t-il déclaré à son homologue gambien Saidy.
Il a ajouté que les responsables libériens qui ont visité les installations de frappe de monnaie du Nigeria en avril ont été fascinés par celles-ci.
« Nous avons beaucoup de capacités inutilisées pour faire en sorte qu’au lieu d’aller en Europe ou dans d’autres pays, vous puissiez bénéficier de nos idées », a-t-il poursuivi.
La Gambie mordra-t-elle à l’hameçon ?
Des voix contraires s’élèvent dans les médias sociaux, notamment de la part de Gambiens ordinaires à cause de de la réputation de corruption du Nigeria.
Réagissant à la nouvelle, Mahmud Nyassi a écrit : « Oh…où dans le monde le gouvernement de la Gambie a-t-il vu cela ?… Un pays corrompu comme le Nigeria imprimant notre argent… Parfois, je me demande si nous aimons vraiment notre pays ».
En attendant, un certain Maxwell Charles du Nigeria, a déclaré : « J’espère que les Nigérians n’auront pas à payer pour une telle impression, au nom de je ne sais quoi ? »
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