La croissance mondiale va ralentir et passer de 3,5 % en 2022 à 3 % cette année, puis à 2,9 % l’année prochaine selon les dernières projections du Fonds monétaire international.
La conjoncture économique mondiale vire durablement à la morosité. Selon le Fonds monétaire international (FMI), un retour à la situation antérieure à la pandémie de Covid-19 semble de plus en plus hors de portée, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement.
Les dernières projections de l’institution de Bretton Woods indiquent en effet que la croissance mondiale va ralentir et passer de 3,5 % en 2022 à 3 % cette année, puis à 2,9 % l’année prochaine. Cela représente une révision à la baisse de 0,1 point de pourcentage pour 2024 par rapport à nos projections de juillet, souligne, dans un document parvenu à APA, Pierre-Olivier Gourinchas, Conseiller économique au FMI.
Cette situation s’explique, d’après le FMI, par trois forces qui entrent en jeu au niveau mondial. Premièrement, dans le secteur des services, la reprise est quasiment achevée. On y note un fléchissement dans un contexte marqué par le ralentissement persistant du secteur manufacturier, ce qui donne à penser que l’inflation des services va reculer en 2024 et que les marchés de l’emploi et l’activité vont se tasser.
Deuxièmement, souligne le Fonds, ce ralentissement s’explique en partie par le durcissement de la politique monétaire nécessaire pour réduire l’inflation, qui commence à faire sentir ses effets, bien que sa transmission soit inégale selon les pays.
Le resserrement des conditions de crédit pèse sur les marchés immobiliers, l’investissement et l’activité, en particulier dans les pays où la part des prêts hypothécaires à taux variable est élevée, ou dans ceux où les ménages sont moins disposés à puiser dans leur épargne ou moins en mesure de le faire.
Troisièmement, poursuit le FMI, l’inflation et l’activité subissent l’incidence du choc de l’année dernière sur les prix des produits de base. Les pays très tributaires des importations énergétiques de Russie ont connu une hausse plus marquée des prix énergétiques et un ralentissement plus prononcé.
« Nos études récentes montrent que les répercussions de la hausse des prix de l’énergie ont davantage fait augmenter l’inflation hors énergie et alimentation dans la zone euro qu’aux États-Unis, où les pressions inflationnistes fondamentales tiennent plutôt à une pénurie de main-d’œuvre », explique M. Gourinchas.
Malgré des signes de fléchissement, les marchés de l’emploi restent dynamiques dans les pays avancés, les taux de chômage historiquement bas contribuant à soutenir l’activité. Le FMI affirme ne guère y voir de signe d’une « spirale prix–salaires », et les salaires réels demeurent inférieurs aux niveaux antérieurs à la pandémie de Covid-19. De plus, ajoute-t-il, de nombreux pays ont connu une compression forte et opportune de l’échelle des salaires, laquelle s’explique en partie par le fait que les horaires de travail flexibles et le télétravail présentent davantage d’attrait pour les hauts salaires, ce qui réduit les pressions salariales dans ce groupe.
L’inflation globale continue, quant à elle, de ralentir, de 9,2 % en 2022 à 5,9 % cette année et 4,8 % en 2024 (en glissement annuel). L’inflation hors énergie et alimentation devrait elle aussi reculer, mais plus progressivement que l’inflation globale à 4,5 % en 2024.
Les projections suivent donc de plus en plus un scénario d’«atterrissage en douceur », l’inflation diminuant sans repli majeur de l’activité, en particulier aux États-Unis, où le chômage devrait connaître une hausse très faible de 3,6 % à 3,9 %, d’ici à 2025, analyse le FMI.
Des mesures à prendre
Dans son scénario de référence, le Fonds monétaire international soutient que l’inflation poursuit son recul tandis que les banques centrales maintiennent une politique restrictive. De nombreux pays approchant le sommet de leur cycle de resserrement, seul un faible durcissement supplémentaire s’impose, conseille-t-il. Cependant, un assouplissement prématuré ferait perdre les progrès engrangés au cours des 18 derniers mois, alerte-t-il.
Une fois que le processus de désinflation sera fermement engagé et que les anticipations d’inflation à court terme diminueront, une révision à la baisse du taux directeur permettra de maintenir inchangée l’orientation de la politique monétaire, c’est-à-dire les taux d’intérêt réels, jusqu’à ce que l’inflation se rapproche de son niveau cible.
Le FMI estime que la politique budgétaire doit soutenir la stratégie monétaire et faciliter le processus de désinflation. Plus généralement, partout, la politique budgétaire devrait viser à reconstituer les marges de manœuvre budgétaires qui ont été gravement érodées par la pandémie et la crise énergétique, par exemple en supprimant les subventions à l’énergie, exhorte l’institution.
Alors que la croissance ralentit, que les taux d’intérêt augmentent et que l’espace budgétaire se restreint, les réformes structurelles deviennent essentielles, d’après le FMI. A l’en croire, il est possible de renforcer la croissance à long terme en échelonnant avec soin des réformes structurelles, en particulier celles axées sur la gouvernance, la réglementation des entreprises et le secteur extérieur.
Selon le FMI, ces réformes de « première génération » contribuent à libérer la croissance et à rendre les réformes ultérieures, que ce soit dans le domaine des marchés du crédit ou de la transition écologique, beaucoup plus efficaces. Une coopération multilatérale peut aider l’ensemble des pays à atteindre de meilleurs résultats en matière de croissance.
En premier lieu, suggère-t-il, les pays doivent éviter d’appliquer des mesures qui sont contraires aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et faussent le jeu du commerce international.
En deuxième lieu, ils doivent préserver la circulation des minerais essentiels nécessaires à la transition climatique, ainsi que celle des produits de base agricoles. De tels « corridors écologiques » contribueraient à réduire l’instabilité et accéléreraient la transition vers une économie verte.
Enfin, conclut le FMI, tous les pays devraient s’efforcer de limiter une fragmentation géoéconomique qui empêche de réaliser ensemble des progrès vers des objectifs communs, et s’employer à rétablir la confiance dans des cadres multilatéraux fondés sur des règles qui renforcent la transparence et la lisibilité de l’action publique, et favorisent une prospérité mondiale partagée. L’existence d’un dispositif solide de protection financière à l’échelle mondiale, au sein duquel un FMI doté de ressources suffisantes occupe une place centrale, est essentielle.
ARD/te/APA