Le Fonds monétaire international (FMI) a averti que l’Afrique subsaharienne risquait d’être la plus grande perdante si le monde se divisait en deux blocs commerciaux isolés centrés sur la Chine ou sur les Etats-Unis et l’Union européenne (UE).
Dans une note accompagnant ses Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne d’avril 2023, le Fonds Monétaire International (FMI) indique que l’aggravation de la fragmentation de l’économie mondiale pourrait avoir des effets désastreux sur les pays d’Afrique subsaharienne dont les économies se retrouvent coincées entre le choix de rester avec les partenaires occidentaux traditionnels et celui d’aller vers la puissance montante qu’est la Chine.
« Dans ce scénario grave, les économies d’Afrique subsaharienne pourraient connaître un déclin permanent allant jusqu’à 4% du produit intérieur brut réel après dix ans, selon nos estimations, soit des pertes plus importantes que celles subies par de nombreux pays lors de la crise financière mondiale (de 2008/09) », s’inquiète l’institution de Bretton Woods.
Elle a noté que si les alliances économiques et commerciales avec la Chine et d’autres nouveaux partenaires économiques ont jusqu’à présent profité à l’Afrique, elles ont également rendu les pays du continent dépendants des importations de denrées alimentaires et d’énergie qui sont plus sensibles aux chocs mondiaux, « y compris les perturbations dues à l’augmentation des restrictions commerciales à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ».
« Si les tensions géopolitiques devaient s’aggraver, les pays pourraient subir une hausse des prix à l’importation ou même perdre l’accès à des marchés d’exportation clés – environ la moitié de la valeur du commerce international de la région pourrait être affectée», a ajouté le FMI.
Cette mise en garde intervient dans un contexte de tensions géopolitiques entre la Chine et la Russie, d’une part, et les Etats-Unis et l’Union européenne, d’autre part, en raison de la guerre actuelle entre la Russie et l’Ukraine et de la querelle diplomatique entre la Chine et Taïwan.
La plupart des pays africains ont refusé de se ranger du côté des Etats-Unis et de l’UE pour condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie, préférant encourager le dialogue entre les deux parties.
Ils se sont également tournés récemment vers la Chine pour une coopération économique, ce qui a semblé déplaire à l’Occident, qui a réagi en lançant des offensives diplomatiques pour contrer l’influence croissante de la Chine sur le continent.
Le FMI a averti que les pertes de l’Afrique liées aux événements en cours « pourraient être aggravées si les flux de capitaux entre les blocs commerciaux étaient interrompus en raison de tensions géopolitiques ».
« La région pourrait perdre environ dix milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) et de flux d’aide publique au développement, ce qui représente environ 1,5% du Pib par an (sur la base d’une estimation moyenne pour 2017-19) », indique la note.
La réduction des IDE à long terme pourrait également entraver le transfert de technologies dont les pays ont tant besoin.
La fragmentation géo-économique croissante pourrait aussi aggraver les problèmes de coordination pour les pays qui cherchent à restructurer leur dette, selon le Fonds.
Il a exhorté les pays africains à renforcer leur capacité de résistance afin de mieux gérer les chocs attendus des nouvelles divisions mondiales.
Il s’agirait notamment de renforcer l’intégration commerciale régionale en cours dans le cadre de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et d’identifier les secteurs susceptibles de bénéficier d’un détournement des échanges, tels que l’énergie.
La zone de libre-échange continentale africaine vise à réduire les barrières tarifaires et non tarifaires entre les pays africains, à renforcer l’efficacité des douanes et à combler les lacunes en matière d’infrastructures.
JN/fss/ac/APA