Contrairement aux remous diplomatiques suscités par quelques désaccords sur les pêcheries, le Sénégal et la Mauritanie ont adopté la « stratégie la plus intelligente » pour parvenir à une gestion commune de leurs ressources gazières au profit des deux peuples, a reconnu dans un entretien avec APA, Docteur Boubacar Mbodj, Conseiller énergie et environnement du président Macky Sall.
Quand on sait que les ressources naturelles sont sources de litiges frontaliers, comment expliquez-vous l’entente du Sénégal et de la Mauritanie sur leur gisement commun de gaz ?
Il est vrai que les ressources naturelles, à cheval entre des pays, causent souvent des tiraillements voire des conflits. Pour ce qui est du champ Grand Tortue-Ahmeyin (GTA), situé à la frontière sénégalo-mauritanienne, les deux gouvernements ont très tôt entamé des négociations. Ils sont parvenus à un accord de partage de cette ressource.
Le Sénégal et la Mauritanie ont été aidés, dans cette démarche, par des organisations internationales comme la Banque Mondiale. Quand l’industrie pétro-gazière souhaite investir dans un champ prometteur, elle s’assure qu’il n’y aura pas de conflit. Pour cela, il faut que le cadre réglementaire soit sûr au préalable.
Les deux pays ont commis des compagnies très réputées dans ce domaine pour réfléchir sur la répartition du gaz. Et il y a eu un accord signé en 2017 pour un partage équitable de cette ressource.
Dans le contexte actuel de l’Afrique où l’on se bat pour sortir du sous-développement, quand il y a de pareilles opportunités, la stratégie la plus intelligente est de s’asseoir autour d’une table pour discuter d’une gestion commune au profit des deux peuples.
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Le Sénégal a beaucoup à apprendre de la Mauritanie dans l’exploitation gazière. Les deux gouvernements coopèrent-ils pour plus d’efficience ?
La Mauritanie est un peu plus en avance que le Sénégal dans l’exploitation des hydrocarbures. Au-delà de Grand Tortue-Ahmeyin (GTA), elle exploite déjà autre champ gazier. Il est possible d’y aller pour voir comment les choses se sont déroulées, les difficultés qu’ils ont rencontrées, les écueils qu’ils ont franchis et leur modèle d’organisation pour nous en inspirer.
Dans le domaine de la formation, l’Institut National du Pétrole et du Gaz (INPG), basé à Dakar, a intégré des Mauritaniens dans sa deuxième promotion. En dépit de la proximité de nos Etats, nous ne nous sommes pas assez mélangés avec les Mauritaniens. Nous sommes voisins mais nous ne sommes pas très rapprochés. Nous devons surmonter les différences, avec souvent des préjugés, pour faciliter l’intégration économique.
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Quelles retombées peut-on attendre de l’exploitation du gaz prévue en 2022 pour ces deux pays ?
Le gaz va permettre d’ouvrir d’autres perspectives de coopération économique, sociale et même culturelle entre le Sénégal et la Mauritanie. Il y a de cela un an, ces deux pays ont retenu l’option, une fois que le gaz est à terre, de construire une grande centrale de 500 à 600 mégawatts.
Je pense qu’il y a tout un champ de collaboration à explorer à la faveur de la découverte du gaz pour un co-développement des deux pays voire de la sous-région. L’objectif doit être de doter la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) d’assez de ressources énergétiques nécessaires à un développement harmonieux. Il est illusoire de penser seulement au développement du Sénégal.
En matière de création d’emplois, de redressement de la balance commerciale, la mise en valeur des ressources naturelles à travers l’industrie va être incontournable dans notre marche vers le développement.
On a déjà voté une loi sur le contenu local. Le Sénégal et la Mauritanie veulent faire participer les entreprises locales à l’exploitation du gaz. Ces dernières peuvent capter une partie de la commande de l’industrie pétro-gazière.
Celle-ci a besoin de nombreux services d’appui. La loi sur le contenu local exige, en priorité, que les entreprises du Sénégal et de la Mauritanie soient sollicitées. Il faut néanmoins qu’elles soient capables de répondre au cahier de charges.
ID/Dng/APA