La « coopération » entre les pays africains pourrait atténuer les « pertes » en bien-être social dues au coronavirus, a déclaré ce jeudi un économiste de la Banque Mondiale.
« S’il n’y a pas de coopération entre les pays africains, si on ne permet pas à nos commerces interafricains de continuer même si on bloque les individus, si on ne permet pas surtout aux biens alimentaires de circuler, si on ne permet pas aux chaînes de valeur interafricaines de fonctionner, les pertes à un bien-être social pourraient être supérieures à 14% », a fait savoir Albert Zeufack.
L’économiste en chef de la Banque Mondiale (BM) pour l’Afrique analysait, cet après-midi dans un live Facebook, l’impact du nouveau coronavirus sur les économies des pays du continent, à la suite de la sortie d’un rapport de l’institution de Breton Wood soulignant que la pandémie « entraîne l’Afrique subsaharienne vers sa première récession depuis 25 ans ».
L’analyse de l’institution financière chiffre les pertes de production liées au Covid-19 entre 37 et 79 milliards de dollars en 2020, sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs : la désorganisation des échanges et des chaînes de valeur qui pénalise les exportateurs de produits de base et les pays fortement intégrés dans les filières mondiales ; la réduction des flux de financement étrangers (transferts de fonds des migrants, recettes touristiques, investissements directs étrangers, aide étrangère) et la fuite des capitaux ; l’impact direct de la pandémie sur les systèmes de santé et les perturbations consécutives aux mesures de confinement et à la réaction de la population.
Par ailleurs, Albert Zeufack a noté que les trois plus grandes économies de la région (le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud) « vont être gravement touchées », risquant de voir la croissance de leur PIB s’abaisser « autour de -7% à -8% ».
Croissance « marginalement positive »
La violence du « choc » dans ces pays, selon l’économiste camerounais de la BM, s’explique à deux niveaux. D’abord, « l’Afrique du Sud était en récession et l’Angola avait des difficultés à maintenir le taux d’investissement. Plus grave, avec le choc sur les coûts des matières premières, l’Angola était déjà en difficulté. Et la croissance était très timide au Nigeria », a-t-il expliqué, avant de déplorer le fait que ces pays « dépendent beaucoup du pétrole, des minerais (qui) ne sont pas suffisamment diversifiés ».
En outre, a-t-il renchéri, la croissance restera « marginalement positive » dans certains pays comme l’Ethiopie, le Rwanda, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Pour lui, ces nations dont les économies sont « un peu plus diversifiées (…) tiraient encore la croissance en Afrique ».
Face à cette crise sanitaire, la BM a adopté une réaction et une assistance « différenciée » à l’égard des pays, tout en insistant sur « la nécessité d’une action collective ».
D’ores et déjà, elle a mobilisé plus de 160 milliards de dollars pour « assister » les États et « conseille aux pays africains de faire deux choses en parallèle ». L’urgence est de « sauver les vies » en mettant l’emphase sur tous les programmes de santé et médicaux, a estimé M. Zeufack, qui appelle également à « protéger le train de vie des ménages et des entreprises » pour éviter un arrêt brutal des activités, un chômage massif et un effondrement des activités.
En outre, l’économiste en chef de la Banque Mondiale pour l’Afrique a souligné le risque de « crise alimentaire » à cause de la baisse de la production agricole combinée avec une baisse des importations de produits alimentaires.
Cette contraction de la production agricole risque d’atteindre entre 2,6 % dans le scénario optimiste mais jusqu’à 7 % en cas de blocages commerciaux, précise un communiqué de la BM, ajoutant que les importations de denrées alimentaires vont elles aussi fortement reculer (de 13 à 25 %), plombées par des coûts de transaction plus élevés et une demande intérieure en baisse.
Toutefois, recommande Albert Zeufack, il faudra que les pays africains fassent deux choses face à ce risque : « s’assurer que les chaînes de valeur alimentaire et la logistique pour les favoriser ne soient pas fermées, et s’assurer que les pays africains travaillent ensemble pour renforcer les chaînes de valeur régionales ».
ODL/cgd/APA