La Cameroon Airlines Corporation (Camair-Co) a, depuis bientôt deux semaines, arrêté de desservir les destinations d’Abidjan (Côte d’Ivoire), Bangui (Centrafrique), Cotonou (Bénin), Dakar (Sénégal), Lagos (Nigeria), Libreville (Gabon) et N’Djamena (Tchad), a constaté APA dans plusieurs agences de voyage de la capitale du pays, Yaoundé.
Ici et là, les employées préposées à la réservation des vols, sans davantage d’explications, conseillent fortement au candidat au voyage d’opter pour une autre compagnie, le service informatique y dédié, à la compagnie aérienne nationale, étant présenté comme «hors service».
Cette situation se confirme sur le site internet de la Camair-Co où, à la rubrique «Réserver», ou «Faire une réservation de voyage», s’affiche le message «Service momentanément suspendu».
Les multiples tentatives de APA, en vue d’obtenir des détails sur ce manquement, sont restées vaines pendant quatre jours, toutes les responsables joints au téléphone se refusant à tout commentaire alors que semble poindre un véritable malaise économique et social.
Le 9 avril dernier en effet, les délégués du personnel et membres de trois syndicats des travailleurs du transport aérien, ont saisi par écrit le directeur général, Ernest Dikoum, pour réclamer le paiement des salaires de février et mars 2019, s’émouvant en outre de la «mauvaise spirale» dans laquelle l’entreprise est désormais embarquée, une situation ayant plongé les employés «dans un état de précarité multiforme et croissante».
Qualifiant la situation de «très critique», les signataires du document invoquent l’impact négatif de cette précarité sur le moral, en général, et sur le rendement en entreprise, en particulier.
Les mêmes sont revenus à la charge le 24 avril 2019 à travers un préavis de grève, dans lequel ils dénonçaient notamment l’«inertie des instances décisionnelles et managériales face à la décrépitude de la compagnie», l’«arrêt quasi total de l’exploitation de la compagnie en raison des AOC [Certificat d’opérateur aérien] des ¾ de sa flotte dus au manque de moyens financier ».
Les syndicats constataient également la «perte progressive de la clientèle de la compagnie due à une exploitation devenue incertaine», la «dégradation d’un service de bord, inadapté et au rabais, entraînant la colère des passagers et l’accroissement de la pénibilité du travail des navigants à bord», sans oublier la «quasi-inexistence du Cargo, gisement de recettes, abandonné à la concurrence».
En mi-février dernier, pourtant, la direction générale de la Camair-Co, affirmait que la compagnie avait transporté quelque 350.000 passagers en 2018, contre près de 300.000 un an plus tôt, les recettes annuelles étant quant à elles passées de 16 à plus de 26 milliards FCFA pendant la même période.
En termes de perspectives de relance, Ernest Dikoum annonçait le transfert des biens de l’ancêtre Camair et de l’État à compagnie, l’ouverture du capital à travers un appel de fonds aux entreprises publiques et privées ainsi que le traitement d’une dette abyssale, soit 35 milliards FCFA à fin juillet 2016, pour une flotte de 5 appareils aujourd’hui quasiment décimée.
Cette entrée en zone de turbulences intervient également à l’heure où le plan de restructuration, proposé en 2015 par le cabinet Boeing Consulting, semble avoir été abandonné alors que, validée par le chef de l’État, la stratégie, pour un accompagnement de 18 mois, prévoyait notamment le déblocage d’une enveloppe de 60 milliards FCFA ainsi que le renforcement de la flotte à 14 avions.
Entreprise ayant pour unique actionnaire l’État du Cameroun, la Camair-Co, née sous les cendres de la Camair, a démarré ses opérations le 28 mars 2011 et a à ce jour connu six directeurs généraux.
FCEB/cd/APA