Pour stabiliser sa production de cacao estimée à environ 2 millions de tonnes afin de ne pas contribuer à la chute des cours, la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial, a décidé d’arrêter la production et la fourniture de semences aux paysans.
Dans la perspective de « la stabilisation de la production, le Conseil café-cacao qui fournit les semences aux producteurs, a décidé d’arrêter la production et la fourniture de semences aux planteurs », a déclaré jeudi à Abidjan son directeur général, Yves Brahima Koné.
M. Koné s’exprimait lors de la présentation du 9è rapport de la Banque mondiale sur la situation économique de la Côte d’Ivoire, notamment intitulé : « Au pays du cacao, comment transformer la Côte d’Ivoire ».
Il a laissé entendre qu’un certain nombre de compagnies et de multinationales produisaient également des plans pour les fournir aux planteurs, mais cela devrait être suspendu, car le Conseil a ordonné l‘arrêt sur toute l’étendue du territoire de la production des plans à fournir aux producteurs.
« Tout doit être contrôlé par le Conseil café-cacao », organe en charge de réguler la filière, a-t-il dit avant d’ajouter que le Conseil est « inscrit dans la perspective de la stabilisation de la production » du cacao ivoirien pour garantir un prix rémunérateur aux paysans.
« Nous sommes en train de faire le recensement des producteurs (en Côte d’Ivoire), d’abord pour régler le problème de la traçabilité et ensuite mieux connaître les producteurs (en termes d’effectif pour) programmer avec eux » la quantité à produire, a-t-il poursuivi.
La volonté actuelle du Conseil café-cacao est ostensiblement affichée. Ne plus permettre la création de nouvelles plantations. Pour M. Koné, « il n’est pas pertinent » de lancer un vaste programme de plantations au risque de contribuer à la chute des prix sur le marché mondial.
Cette mesure devrait permettre en outre de renouveler les plantations sans augmenter l’offre. L’ICCO, organisation internationale en charge du cacao, prévoit une augmentation de la production de « 5% en Afrique d’ici à l’horizon 2020 ».
Le rapport présenté par Jacques Morisset, économiste à la Banque mondiale, et auteur du document, note que « l’économie ivoirienne reste performante en 2019 avec des perspectives favorables », mais la filière cacao, l’un des piliers de la croissance, devrait cependant connaître une transformation.
L’urgence à agir
Selon lui, il y a « urgence à agir » car le monde du cacao subit des mutations profondes comme le réchauffement climatique, la déforestation et les exigences accrues des consommateurs. C’est pourquoi il faut augmenter la valeur ajoutée et opérer une révolution technologique.
Le rapport préconise que la Côte d’Ivoire utilise une partie de la fiscalité sur le cacao pour financer les programmes de productivité de la filière sur des surfaces plus réduites. Ensuite, diversifier le revenu des producteurs dont 54% vivent sous le seuil de la pauvreté, selon des données de 2015.
M. Morisset relève que le défi du cacao, aujourd’hui, pour la Côte d’Ivoire, c’est d’instituer un système de traçabilité pour avoir du cacao propre, et ensuite intégrer la chaîne de valeur internationale, avec par exemple, la liqueur, car 80% de la valeur ajoutée du cacao reste lié au chocolat.
Coralie Gevers, la nouvelle directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Côte d’Ivoire, qui vient de remplacer Pierre Laporte, muté au Ghana, a soutenu que « l’économie ivoirienne reste sur une bonne trajectoire en 2019 ».
Au-delà de l’analyse de la situation économique, le rapport s’intéresse à la vie des producteurs de cacao. Un Ivoirien sur cinq (1/5), dira-t-elle, dépend du cacao pour sa subsistance et le cacao représente près de 40% des exportations des marchandises et la principale source de devises du pays.
Malgré certains progrès, la majorité des producteurs de cacao demeurent pauvres et l’économie ivoirienne n’a pas encore hissé sa part dans les rangs des pays chocolatiers dans le monde. Le rapport indique des pistes afin que la filière devienne un vecteur de croissance économique.
Transformation
Le Ghana et la Côte d’Ivoire, qui cumulent 65% de la production mondiale, veulent contrôler la gouvernance cacaoyère. Les deux pays exigent un prix plancher de 2600 dollars US, soit 1,5 million de Fcfa, la tonne, avant de céder leurs productions sur le marché international.
Toutefois, pour juguler cette situation et la dépression des cours, l’Etat ivoirien veut accroître la transformation de ses fèves. Une usine de cacao de 50 000 tonnes est prévue à Abidjan « avant fin 2019 » et une autre de 50 000 tonnes également à San-Pedro, dans le Sud-Ouest ivoirien.
Au cours de ces dernières années, les autorités ivoiriennes ont effectué des efforts considérables pour transformer la production locale. La capacité de broyage de la Côte d’Ivoire est aujourd’hui de 750 000 tonnes, ce qui fait du pays le premier broyeur du monde devant la Hollande.
La Côte d’Ivoire transforme environ un tiers de sa production de fèves de cacao et le gouvernement envisage de porter ce taux de broyage à 50% d’ici à 2023. Le pays compte à ce jour 14 usines de broyage en activité qui ont créé environ 2 800 emplois.
Cet essor coûte environ près de 46 milliards Fcfa (80 millions de dollars) par an à l’Etat de Côte d’Ivoire qui a dû abaisser la fiscalité sur le cacao transformé pour attirer les investisseurs. Cependant, le cacao exporté sous forme de fèves ne bénéficie pas d’avantage fiscal.
AP/ls/APA