La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, envisage d’octroyer comme prix rémunérateur aux paysans, au moins 70% du prix CAF (coût, assurance, fret) contre 60% actuellement, si la tonne de cacao est vendue à 2600 dollars US (1,5 million Fcfa) sur le marché international tel qu’exigé en accord avec le Ghana.
La Côte d’Ivoire et le Ghana, deuxième producteur mondial, qui cumulent 60% de la production sur le marché international, ont récemment décidé à Accra de suspendre la vente de leurs fèves de cacao jusqu’à nouvel ordre, en vue d’obtenir des marchés un prix plancher de 2600 dollars US (1,5 million Fcfa).
« La mesure dit qu’on doit vendre la tonne de cacao à 2600 dollars et que la Côte d’Ivoire décide de donner au moins 70% du prix CAF aux producteurs », a dit à APA Maurice Sawadogo, un producteur ivoirien ayant pris part aux échanges à Accra entre les industriels, les chocolatiers et les deux pays.
« Si on prend le prix du dollar, aujourd’hui, et qu’on voudrait appliquer cette mesure, on est à 1.055 Fcfa le Kg de cacao » contre un prix garanti actuel de 750 Fcfa/Kg, a indiqué Maurice Sawadogo, premier vice-président de la Fédération des organisations des producteurs de cacao de Côte d’Ivoire.
Pour M. Sawadogo, également président des agriculteurs d’Abengourou, une zone cacaoyère dans l’Est ivoirien, « le fait que la Côte d’Ivoire et le Ghana se mettent ensemble pour influencer le prix du marché est une bonne chose », mais « est-ce que cela suffit pour que les producteurs sortent de la misère ».
« Les industriels sont conscients que les paysans vivent mal et nous ne bénéficions pas des fruits de nos efforts, mais est-ce que l’argent qu’on va nous donner va atteindre le producteur », lance Maurice Sawadogo, quelque peu sceptique.
Il faut, dira-t-il une mesure durable, car au lendemain de cette décision à Accra, le prix à l’international a grimpé à 2.500 dollars US la tonne (1,44 million Fcfa), avant de chuter aujourd’hui. C’est pourquoi les deux pays devront diversifier leurs sources de revenus ainsi que celles des paysans et être capables de stocker leurs productions.
« A partir de septembre, octobre prochain, si le cacao ne se vend pas, les enfants n’iront pas à l’école et aucune activité dans la zone de production cacaoyère ne va marcher », prévient Maurice Sawadogo, qui fait observer qu’actuellement, c’est la période creuse dans la campagne de commercialisation.
Jointe, Victoire Kouaglou, meilleure productrice nationale de cacao pour la campagne 2017-2018 en Côte d’Ivoire, affirme que « les ventes sont ralenties sur le terrain, c’est seulement ceux qui ont l’argent qui paient » pour s’approvisionner.
« Si la Côte d’Ivoire et le Ghana ont fait fusion et que le producteur ivoirien peut gagner comme ceux du Ghana, cela va nous faire plaisir », a laissé entendre Mme Victoire Kouaglou, qui souligne que le prix bord champ du kg de cacao au Ghana « est plus élevé que pour la Côte d’Ivoire ».
« Moi, je demande à la Côte d’Ivoire de ne pas s’arrêter à 70% du prix CAF, si le Cameroun va jusqu’à 75%, le Nigeria à 90%, pourquoi la Côte d’Ivoire ne peut pas aller à 80% », s’interroge Maurice Sawadogo, avant d’ajouter « nous demandons aussi à la Côte d’Ivoire de faire mieux ».
La Côte d’Ivoire, pays leader avec près de 2 millions de tonnes, a revu à la baisse le prix du kg de cacao aux paysans, après la chute d’environ 40% des cours sur le marché international en 2016 et 2017, ce qui a conduit l’Etat ivoirien à réduire des poches de dépenses budgétaires.
Face à la baisse des cours, ces deux pays voisins veulent conjuguer leurs efforts pour juguler cette dépression des prix sur le marché international. Dans ce contexte, le Ghana et la Côte d’Ivoire ont signé un protocole afin de piloter la gouvernance de l’économie cacaoyère mondiale.
Abidjan abrite depuis le 25 avril 2017, le siège statutaire de l’Organisation mondiale du cacao (Icco). Cette délocalisation de Londres à Abidjan, la capitale économique ivoirienne, intervient après 44 ans. Le pays veut saisir cette opportunité pour assurer aux producteurs un meilleur prix rémunérateur.
Une réunion devant regrouper le Conseil café-cacao de Côte d’Ivoire, le Cocoa board du Ghana et les industriels du chocolat, est prévue à Abidjan le 3 juillet 2019. Les techniciens des différentes parties, après analyse devraient signer un « engagement », selon une source proche du dossier.
AP/ls/APA