Face à l’escalade des prix mondiaux du cacao, le Président Alassane Ouattara prend une mesure historique pour soutenir les planteurs ivoiriens, en annonçant une augmentation sans précédent de 50 % du prix bord champ.
ans un contexte marqué par la hausse des cours mondiaux de cacao, le Président ivoirien, Alassane Ouattara, a annoncé mardi 2 avril dernier que la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial d’or brun, relevait de 50 % le prix « bord champ », lequel rémunère directement les planteurs ivoiriens. Les autorités ivoiriennes fixent désormais le kilogramme de fève à 1 500 FCFA, soit environ 2,3 euros pour la saison intermédiaire allant d’avril à mai, contre1000 FCFA au cours de la saison principale (octobre à mars). Une hausse de prix qui n’a rien d’anodin et qui constitue, selon le ministère de l’Agriculture, la plus conséquente jamais enregistrée dans l’histoire du pays.
La nouvelle, qui s’inscrit dans un contexte mondial marqué par une envolée des prix à 10 000 dollars la tonne, représente un véritable soulagement pour les agriculteurs ivoiriens. Impactés par les aléas climatiques exacerbés par le phénomène El Niño – synonyme de températures élevées et de pluies torrentielles mettant en péril les cultures – ces derniers ont vu leur production (2,4 millions de tonnes la précédente campagne) baisser de près du quart. “C’est un geste d’encouragement à poursuivre notre labeur”, se réjouit un planteur du Sud-Ouest, un des principaux bastions de la production cacaoyère du pays.
Si ce geste présidentiel, salué par les organisations de producteurs, traduit la réactivité d’Abidjan face aux revendications des acteurs du terrain, il reflète, comme le confie un spécialiste du secteur, une “affirmation claire de la souveraineté économique de la Côte d’Ivoire sur son secteur phare (…) face aux géants du marché mondial, souvent prompts à dicter leurs conditions, Abidjan prend le taureau par les cornes”.
Préserver les revenus des planteurs et asseoir la transformation locale
En Côte d’Ivoire, pays qui représente 40% de la production mondiale, le cacao occupe plus entre 800 000 à 1 000 000 de planteurs et fait vivre 6 millions de personnes, soit 25% de la population ivoirienne.
Critiqué pour son système de contrôle des prix, Abidjan rappelle qu’en établissant un prix plancher, il protège à ses planteurs des fluctuations du marché tout en posant les jalons d’une industrie de transformation cacaoyère locale naissante. “Si les prix actuels étaient en baisse, les revenus des producteurs auraient été garantis et ces derniers ne subiraient pas la baisse”, justifiait déjà le Conseil du Café-Cacao de Côte d’Ivoire (CCC). Alors que les premières unités de transformation émergent dans le pays, pour les autorités locales, l’enjeu est de valoriser chaque maillon de la chaîne de production, de la fève au chocolat, et de retenir le maximum de valeur ajoutée sur le sol ivoirien.
Défis climatiques
La Côte d’Ivoire devra encore jouer sur un autre terrain : renforcer la résilience de son secteur agricole face aux caprices d’un climat de plus en plus imprévisible. Face à cette problématique, les autorités ivoiriennes ont fait le choix d’investir massivement dans les infrastructures météorologiques. À travers l’acquisition par la Sodexam de technologies avancées, le pays ambitionne d’affûter ses armes contre les aléas climatiques.
“Il faut se féliciter de cette avancée technologique majeure à travers ces stations autonomes et connectées, capables de mesurer quotidiennement la température de l’air, l’humidité, l’ensoleillement ou la pluviométrie. La Sodexam prévoit également de se munir d’un radar météorologique pour faciliter la prévision”, explique un expert. Il avance d’ailleurs qu’un “agriculteur bien informé sur les conditions météorologiques peut augmenter ses revenus de 10 à 15%”, citant le Centre international de recherche sur le climat et l’environnement (ICRAF).
D’un autre côté, le gouvernement a misé sur la création d’un groupe de travail pour discuter de la durabilité de la filière cacaoyère et de la tarification des contrats, “signe d’un engagement pour un dialogue constructif entre l’État et les organisations de producteurs”, assure des proches du pouvoir.
CP/APA