Pendant qu’elle se retire du Mali, la France arrête un chef jihadiste lié à l’Etat islamique.
Que cherche à prouver la France ? Alors que ses forces quittent progressivement le Mali, elle continue de mener des opérations militaires dans ce pays sahélien, malgré la demande formulée par la junte de retirer ses troupes « sans délai ».
Dans la nuit du 11 au 12 juin, l’armée française affirme avoir arrêté Oumeya Ould Albakaye, un « haut responsable » de l’Etat islamique au Sahel, anciennement appelé Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).
L’Etat-major des armées françaises précise, dans un communiqué publié ce mercredi, que l’opération ayant permis de capturer ce responsable de l’Etat islamique au Sahel à la frontière entre le Mali et le Niger, est le résultat d’une traque de plusieurs semaines dans laquelle différentes capacités aériennes et des unités terrestres ont été mobilisées.
Selon le journaliste Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes, Oumeya Ould Albakaye a été arrêté en compagnie de trois autres personnes dans un campement à Labzanga, à la lisière du Niger. Chef de l’Etat islamique au Sahel dans le Gourma, au Mali et pour l’Oudalan, au Nord du Burkina, Oumaya Ould Albakaye est le successeur d’Abdel Hakim al Sahroui mort des suites d’une maladie.
Il est décrit comme le planificateur de plusieurs attaques contre différentes emprises militaires au Mali, dont celles de Gao. « Il dirigeait des réseaux de mise en œuvre d’engins explosifs improvisés. Responsable d’un grand nombre d’exactions et d’actions de représailles menées par l’EIGS (Etat islamique au Sahel depuis mars 2022) », ajoute le communiqué de l’EMA.
Mais quel cachet faut-il donner à cette arrestation annoncée au lendemain de la rétrocession par les forces françaises de la base de Ménaka aux Forces armées maliennes (Fama) ? Chercheur à l’Université de Bayreuth, en Allemagne, Adam Sandor décrypte cette intervention française en la reliant à l’incapacité de l’armée malienne à porter des coups d’envergure contre les groupes jihadistes dans la région des trois frontières.
Le chercheur souligne que c’est un message visant à faire comprendre que la France poursuivra ses actions au Mali, tant que le délai qu’elle s’est fixé pour se retirer de ce pays, après la rupture des accords de défense par Bamako avec effet immédiat, n’est pas épuisé. Paris estime avoir six mois pour se désengager du Mali. D’après Adam Sandor, si au cours de ce processus les Français ont une opportunité de mener des opérations d’envergure à l’image de la capture d’un chef jihadiste, ils ne vont pas s’en priver.
L’Etat-major a qualifié de « succès » l’interception du jihadiste en espérant que sa capture déstabilisera à nouveau le haut commandement de l’EIGS (actuel EIS) dans la zone des trois frontières. Le même groupe avait été la cible de plusieurs opérations de Barkhane, ayant abouti à l’arrestation de nombre de ses cadres et à la neutralisation d’Adnan Abou Walid al Sahraoui en août 2021. Ces actions avaient pour objectif d’affaiblir le groupe jihadiste né en 2015 des flancs d’Al Mourabitoune alors sous le commandement de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar.
Cependant, celui-ci, promu 7e province de l’Etat islamique en Afrique, sous l’impulsion de son défunt commandant en chef, Abou Al Bara al Sahraoui, multiplie depuis mars les offensives dans le Nord-Est du Mali, où des affrontements sont régulièrement signalés entre ses combattants et les mouvements touaregs pro-gouvernementaux. Ces affrontements auraient fait 264 victimes civiles, selon les autorités locales citées par la note trimestrielle de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).
AC/cgd/APA