Depuis mars 2023, le principal parti de l’opposition Les Démocrates a introduit une proposition de loi spéciale portant amnistie au profit de Reckya Madougou, Joël Aïvo et des opposants en exil.
Le 03 janvier 2024, la commission des lois de l’Assemblée nationale a désavoué la proposition de loi spéciale portant amnistie des opposants en détention et le retour des exilés.
Le texte a été bloqué par les 17 députés de la majorité et approuvé par la minorité des six élus du parti Les Démocrates qui composent la commission des lois. Selon le député Habibou Woroucoubou, la majorité mécanique de la commission des lois, n’a fait que suivre les consignes de son chef, le Président Patrice Talon. Il se plaint que le texte n’ait pas été étudié dans le fond, puisque les membres de la commission n’ont tenté d’apporter aucun amendement. « S’ils avaient la volonté d’accompagner ou de voter ce texte, il aurait fallu l’étudier, aussi bien du point de vue de la forme que du fond », explique l’opposant.
Toutefois, ce n’est pas fini. La proposition de lois sera ensuite envoyée en plénière pour examen. Et clairement, le texte a très peu de chances de prospérer étant donné l’avis défavorable de la commission des lois. L’opposition ne compte que 28 députés sur 109. Pour l’analyste politique Eugène Alossoukpo, « il ne faut s’attendre à aucun miracle en plénière. L’un dans l’autre, il n’y aucune chance que cette loi prospère ».
Conscients que la proposition de loi spéciale portant amnistie au profit de Reckya Madougou, Joël Aïvo et des opposants en exil ne passera pas dans sa forme actuelle, les députés de l’opposition annoncent déjà qu’ils vont introduire un autre texte en cas de rejet par l’Assemblée nationale. « Nous ne sommes pas là pour baisser les bras. Notre objectif est clair, nous devons libérer nos camarades, vaille que vaille. Si pour cela, nous devons encore introduire ce texte, nous le ferons. Et cela parce que nous pensons que camarades sont dans les liens de la détention, uniquement pour des raisons politiques et nous pensons que c’est politiquement qu’il faut les sortir de là », commente Habibou Woroucoubou, député du parti Les Démocrates.
Cependant, selon l’analyste politique Eugène Alossoukpo, dans l’actuel contexte politique du Bénin, il est presque impossible qu’une loi d’amnistie soit votée en faveur de Reckya Madougou, Joël Aïvo et les autres. Pour lui, le Parti Les Démocrates n’a pas voulu faire de concessions. « La première erreur politique qu’ils ont faite, c’est d’avoir rejeté le rapport d’activité du président de l’Assemblée nationale. Deuxième erreur, c’est le rejet du budget de l’Etat exercice 2024, quand bien même, les amendements qu’ils avaient demandés avaient été intégrés. L’ensemble de ces faits ne leur permet pas d’avoir la facilité de négocier avec leur collègues de la majorité », développe M. Alossoukpo.
Selon la lecture de Eugène Alossoukpo, politiquement, le président Patrice Talon n’a pas intérêt à remettre en liberté Reckya Madougou et Joel Aïvo avant les élections générales de 2026. Il estime que ces deux opposants en liberté pourraient entièrement fausser les calculs politiques du camp actuellement au pouvoir. « Les députés de la majorité ne vont surtout pas offrir aux députés de l’opposition, le couteau avec lequel, on va leur trancher la tête en 2026. Il n’y a pas grand-chose à espérer des tentatives de l’opposition, sauf cataclysme politique », conclut l’analyste.
Le parti Les Démocrates qui n’en démord pas pense de son côté qu’à défaut de compter sur le Président Talon pour la libération des opposants en prison, tout va se régler si le régime actuel quitte le pouvoir en 2026. « A notre niveau, nous travaillons déjà à prendre le pouvoir en 2026 et dans ces conditions, nous n’irons pas demander pardon à quelqu’un pour la libération des détenus politiques, nous le ferons nous-même », a avertit Habibou Woroucoubou.
La proposition de Loi spéciale d’amnistie qui agite le débat politique au Bénin depuis plusieurs mois, vise à faire libérer Reckya Madougou, ancienne ministre de la justice de l’ex président Boni Yayi. Ancienne candidate déclarée du parti Les Démocrates à la présidentielle d’avril 2021, son dossier a été rejeté pour défaut de parrainage. Arrêté en mars 2021, Mme Madougou a été condamné en décembre de la même année, à vingt ans de prison pour « financement du terrorisme ». Ces partisans avaient dénoncé un complot politique orchestré par le régime Talon, pour écarter un adversaire gênant pour la présidentielle de 2021.
Le parti Les Démocrates se bat aussi pour la libération de Joël Aïvo, enseignant à l’université d’Abomey-Calavi et candidat recalé à la présidentielle de 2021. Arrêté en avril 2021, en décembre, il a été condamné à dix ans de prison pour complot contre la sûreté de l’Etat.
La loi d’amnistie devrait aussi permettre le retour au pays, des opposants en exil comme l’homme d’affaires Sébastien Ajavon ou encore, Komi Koutché, ancien ministre de l’Economie de Boni Yayi.
RK/ac/APA