Il a fallu que le nouveau coronavirus fasse une victime au Bénin pour qu’une importante frange de la population prenne conscience de la létalité de cette maladie hautement contagieuse.
Dans son périple macabre, le virus insaisissable a causé un décès au Bénin. C’était le dimanche 5 avril dernier. L’annonce de la perte d’un patient du Covid-19 a secoué tout un pays.
« Une grande partie de la population ne croyait pas à l’existence de la maladie et par conséquent s’en foutait peu ou prou. Mais avec le premier mort, les lignes ont bougé. Même les personnes les plus sceptiques se sont mises à reconsidérer autrement le mal », raconte Serge Ouitona, doctorant en Histoire à l’Université d’Abomey-Calavi, près d’une vingtaine de kilomètres au nord de Cotonou.
Ariane Da Sylva, journaliste à l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB, publique), a aussitôt constaté un changement d’attitude dans la capitale économique du pays. « Quand vous échangez avec les gens ou quand vous les rencontrez à certains endroits, vous sentez tout de suite la prise de conscience des uns et des autres », explique-t-elle.
La psychose n’aidant pas, les masques et le gel hydroalcoolique sont presque devenus introuvables sur les rayons des pharmacies. Les populations, décidées à prendre le taureau par les cornes, ont bousculé leurs comportements. Dans la rue, tout le monde se met à éviter autant que possible « les contacts », signale Wilfried Gnanvi, journaliste indépendant. Pas de poignées de main, ni d’accolades dans l’ancien Dahomey.
A grand renfort de spots, l’Etat a mené une campagne de sensibilisation multilingue sur les médias classiques et les réseaux sociaux à laquelle ont adhéré des forces vives de la nation. Une séquence dénommée « Alerte coronavirus ! », où l’on détaille les gestes à éviter et ceux à adopter, a été même diffusée en plein journal télévisé de l’ORTB.
Néanmoins, certains citoyens sont persuadés que le gouvernement a commis des impairs dans la gestion de l’épidémie. « Le point de presse fait par le ministre de la Santé le 10 avril révèle que sur les 35 cas identifiés dans le pays, 32 sont venus de l’étranger et les 3 cas restants ont été contaminés sur place par les cas importés. Cela veut dire que si l’Etat avait très tôt fermé les frontières, le Bénin serait peut-être encore épargné », ressasse M. Ouitona qui est aussi rédacteur d’un site web.
Ce dernier désapprouve également la stratégie de l’auto-isolement adoptée par les autorités politiques et sanitaires : « C’était une erreur monumentale. Il a été prouvé que les personnes qui venaient de l’étranger, n’observaient pas cette mesure ».
Des rumeurs, faisant état de l’évasion de cas suspects, se sont répandues comme une traînée de poudre. En outre, M. Gnanvi note des paradoxes dans les tentatives d’endiguement du coronavirus. « L’Etat a fermé les lieux de culte, mais a manqué de congédier à temps les apprenants à la maison malgré l’insistance des acteurs de l’éducation », rappelle-t-il.
A cela s’ajoute la panne des machines utilisées pour les tests et l’insuffisance des lits de réanimation pour les patients en détresse respiratoire. Pour circonscrire le virus, un cordon sanitaire a été mis en place autour d’une quinzaine de communes à risque. A en croire le président de la République Patrice Talon, l’option du confinement général était inenvisageable.
« Dans un pays où les populations vivent au jour le jour et n’ont pas d’épargne pouvant leur permettre de s’approvisionner pour tenir sur plusieurs jours en restant cloîtrées chez elles, décréter un confinement total pourrait faire plus de mal que de bien », argumente Serge Ouitona.
En Afrique de l’ouest, le Bénin est officiellement l’un des pays les moins touchés par la pandémie. A ce jour, 64 cas y ont été confirmés dont un décès. Sur le continent, on recense plus de 30.000 infections et près de 1500 morts.
« Le plus important, c’est le respect des gestes barrières. Les autorités ne doivent pas arrêter la sensibilisation. C’est vraiment inquiétant mais il ne faut pas baisser les bras », recommande Ariane Da Sylva.
Pour sa part, Wilfried Gnanvi invite les Etats africains à être créatifs et solidaires pour conjuguer « leurs forces politico-sanitaires afin de trouver des solutions locales contre le Covid-19 » et pour redresser leurs économies mises à mal par la crise sanitaire sans précédent.
Le monde scientifique est en croisade contre le virus mais l’Afrique est plus ou moins attentiste avec peu de recherches de traitement de la pathologie. « Pendant que les chercheurs occidentaux travaillent d’arrache-pied dans leurs laboratoires pour élaborer un vaccin contre la maladie, l’Afrique attend le fruit du labeur des autres », décrie M. Ouitona.
Partant de là, il estime que les gouvernants doivent davantage « financer la recherche pour essayer de trouver des solutions africaines à nos problèmes ». Il y a tout de même quelques lueurs d’espoir.
Le chercheur béninois Valentin Agon effectue actuellement une étude clinique sur l’Apivirine. A Madagascar, le Covid-Organics, consommable en décoction et en tisane, est proposé à titre préventif et curatif. Andry Rajoelina, le président de la Grande île s’est déjà entretenu à ce sujet avec certains de ses homologues africains comme le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall.
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