La Convention de la société civile ivoirienne (CSCI) se dit préoccupée de la dette de la Côte d’Ivoire, estimée à 17 676 milliards de Fcfa, à fin mars 2021, soit « 58% du PIB », selon une étude présentée par un consultant, lundi, à Abidjan.
L’étude, menée par l’économiste et statisticien Guillaume Adingra, a été débattue à l’occasion d’un atelier de validation du rapport de cette étude sur la dette de la Côte d’Ivoire, qui porte sur des données sur la période de 2017 à fin mars 2021.
Le coordonnateur de la Convention de la Société civile ivoirienne, Mahamadou Kouma, a justifié que l’organisation, en faisant cet atelier, a un regard sur la situation de la dette pour voir comment cette question est gérée dans l’intérêt des populations.
« Le consultant, dans son exposé a pu démontrer que l’endettement est une question préoccupante et on voit que le cycle d’endettement est tel qu’il n’est pas encore alarmant, mais il est préoccupant « , a dit M. Mahamadou Kouma à la presse.
Selon Guillaume Adingra, « à fin mars 2021, le stock de la dette est estimé à 17 676 milliards Fcfa, composé de 65% de dettes extérieures et 36% de dettes intérieures ». Ce qui dénote que l’Etat ivoirien emprunte plus sur le marché extérieur que sur la marché intérieur.
« Le point alarmant est la viabilité de la dette, aujourd’hui, (car) nous avons atteint quasiment le niveau de 58% du PIB (Produit intérieur brut) et le pays court dangereusement vers le seuil de la dette recommandé par l’Uemoa qui est de 70% », a-t-il dit.
La Covid-19, fera observer le consultant ivoirien, a « accéléré l’endettement de nos économies notamment en Côte d’Ivoire ». De ce fait, pour faire face aux dépenses du pays, soutenir l’économie, et poursuivre son programme de développement, l’Etat a dû emprunter.
Il a rappelé qu’en 2012, la Côte d’Ivoire a bénéficié d’une annulation de sa dette qui est passée de 67% de son PIB à 18%. Mais, avec la pandémie de la Covid-19, plusieurs pays ont contracté des dettes en 2020 pour soutenir leurs économies.
Au regard de cette tendance, la Côte d’Ivoire « court un risque de surendettement », a-t-il déclaré, mentionnant que l’objectif de cette étude est de prévenir les autorités sur le niveau de la dette du pays.
En outre, l’inflation est en hausse quasiment autour de 3% en 2021 et le solde budgétaire s’est dégradé. Ces indicateurs macroéconomiques devraient être analysés pour contenir le risque de surendettement.
Toutes les composantes de la dette sont en hausse et le stock global de la dette a connu une hausse de 26% de 2019 à 2020, révèle le rapport d’étude qui souligne que celui de la dette extérieure est en hausse de 21% ainsi que la dette intérieure, de 36%.
S’agissant de la viabilité de la dette publique, « nous avons pris les projections du PIB en 2021 et nous avons rapporté le stock de la dette publique à fin mars 2021, et nous nous situons aujourd’hui à 58% », a-t-il précisé sa méthodologie.
« Le stock de la dette est passé de 67% à 18% en 2021 (après l’annulation), aujourd’hui, en 2022, le stock de la dette est remonté à 58% du PIB. Il y a donc une accélération de l’endettement, ce qui peut faire penser que le risque de surendettement est bien réel », a dit M. Adingra.
La dette publique ivoirienne, estimée à 40% en 2017, s’est établie selon l’étude à 58% en 2021. Le service de la dette, qui traduit le paiement des créanciers, lui, est composé de 60% de dettes au plan intérieur et 40% à l’extérieur.
La Côte d’Ivoire contracte le plus de dettes en d’autres devises, représentant un taux de 54% et 46% en monnaie locale. M. Adingra a fait observer « qu’il y a un risque au niveau du taux d’échange » qui connaît une fluctuation et cela peut être préjudiciable pour l’économie.
« Quatre vingt quatorze pour cent (94%) de notre dette publique a une échéance qui est due à plus d’un an et 6% à moins d’un an ». Ensuite, les dettes dues dans moins un an sont essentiellement constituées de 48% de prêts, 47% de bons de trésor et de 4% d’obligations, a-t-il ajouté.
En 2020, la Côte d’Ivoire était autour de 1 000 milliards Fcfa de services de la dette, constitué de 37% d’intérêt. Selon M. Adingra, « l’économie peut être défavorisée », tout en relevant que le pays a payé 349 milliards Fcfa d’intérêts auprès des porteurs de titres de créances et 117 milliards Fcfa aux partenaires bilatéraux et multilatéraux.
M. Armand Benié, représentant du ministère de l’Économie et des finances, a rassuré que « le gouvernement actuel gère la dette à travers plusieurs réformes », entre autres, l’analyse de la viabilité de la dette et la stratégie de remboursement à moyen terme.
Il a noté que l’Etat a deux défis majeurs, la lutte contre la pauvreté à travers le Programme social du gouvernement (PS Gouv) et la sécurisation des frontières. Il y a noté aussi la CAN 2023 qu’abritera le pays qui constitue, avec d’autres enjeux, des contraintes du gouvernement.
« La dette ivoirienne, lorsque nous voyons le volume, on a l’impression que c’est une dette très colossale, mais lorsque nous prenons le classement au niveau de la dette en Afrique, les 10 pays les plus endettés, la Côte d’Ivoire n’y figure pas », a-t-il renseigné.
L’analyse de la viabilité de la dette faite par le ministère ivoirien de l’Économie et des finance avec le Fonds monétaire international (FMI), ressort que la Côte d’Ivoire est encore « au niveau du risque modéré », a-t-il poursuivi, ajoutant « on a une maîtrise parfaite de cette dette ».
AP/ls/APA