De passage à Abidjan, Emmanuel Rigaux, Directeur général de LafargeHolcim (entreprise de cimenterie) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a évoqué avec APA, les ambitions du groupe en matière de digitalisation, estimant que « 2019 sera une année du Digital chez LafargeHolcim ».
Quelle peut être la place du digital dans une industrie de cimenterie comme la vôtre ?
Pendant longtemps cette place était faible, pas seulement chez LafargeHolcim mais dans l’industrie en général où le numérique était considéré comme un gadget. La transformation engagée depuis deux ans nous permet d’établir qu’il s’agit d’un moyen pour nous, non seulement de mieux servir nos clients, d’être encore plus réactif mais aussi de proposer une offre qui est différente de celle de tous nos concurrents.
En visitant nos clients, en particulier, les plus éloignés des agences bancaires ou de nos points de ventes on se rend vite compte que le digital n’est pas du tout un gadget mais qu’il permet à nos clients, occupés jusqu’ici par toutes sortes de tâches administratives autour de leur commande, de se recentrer sur leurs propres clients.
La Côte d’Ivoire représente à bien des égards le pays sur lequel nous voulons nous appuyer notamment en Afrique francophone pour accélérer notre transformation digitale compte tenu du lancement réussi d’E-Bélier et de la part très importante des paiements mobiles chez nos clients.
Vous estimez donc que le marché est suffisamment mâture pour s’approprier les innovations que vous pourriez apporter dans votre secteur ?
Quand vous regardez le taux de pénétration des smartphones, c’est l’Afrique qui a de loin le taux de croissance le plus élevé, autour +96 % sur la période 2015-2020 selon les estimations. En fait, l’Afrique rattrape très largement l’Asie et l’Europe sachant qu’on a maintenant une couverture 3G/4G qui est quand même très importante et qu’en plus beaucoup des acteurs du monde de la construction n’ont que leur smartphone comme source d’information et de suivi.
Pouvez-vous nous parler d’autres expériences dans la zone Afrique Moyen Orient ?
Si on prend le domaine de l’application mobile pour client, elle a été développée pour la première fois en Irak, il y a trois ans et ça a été un vrai succès. On s’en est inspiré en Côte d’Ivoire. Et ce qu’il est intéressant de noter c’est qu’en termes de rapidité de progression, alors que cette application commerciale (eBélier) a été lancée il y a 6 mois, on a déjà plus de 60% des commandes qui se font via cette plateforme digitale.
Cela vous le voyez aussi en termes de paiements mobiles. Je prends le cas d’un détaillant que j’ai rencontré à Bouaké. Il m’a expliqué qu’avec le paiement mobile, il n’est plus obligé de passer à la banque pour s’assurer que le virement a été fait. Et en plus, avec l’application eBélier, il peut passer sa commande, la suivre et gérer son stock directement avec son smartphone, de sorte qu’il a pu libérer 50 % du temps qu’il consacrait aux tâches administratives et à autres choses notamment du conseil à ses propres clients.
On passe ainsi sur un modèle totalement différent. Le rôle du détaillant ce n’est plus une sorte de maillon administratif dans le dispositif qui passait énormément de temps dans la paperasse, mais c’est quelqu’un qui a une vraie connaissance du produit et qui est capable de conseiller son client. Avec notre réseau de franchises Binastore, nos détaillants ont, en plus du ciment, des produits tiers, ils deviennent spécialistes des matériaux de construction.
LH couvre une large zone en Afrique et au Moyen Orient. Vos innovations sont-elles spécifiques à chacune de ces régions ?
Absolument. Nous avons des projets digitaux lancés dans presque tous nos pays, dans tous les domaines, et je pense qu’aujourd’hui nous avons une longueur d’avance sur nos concurrents. Ici en Côte d’Ivoire on a cité le cas l’eBélier. Au Maroc, on est très avancé sur la partie logistique.
Un camion qui entre sur le site de l’usine, automatiquement avec la validation de son badge, nous savons le produit qu’il va charger, nous pouvons suivre son trajet au sein du site de production, et même optimiser son trajet pour qu’il ait le moins de temps possible à attendre.
Le chauffeur sait combien de temps il va devoir attendre sur le site etc. Là, c’est quelque chose qui correspond à de grandes unités de production et chaque pays a son type d’initiative digitale qui correspond à son contexte propre. Il y a d’autres exemples typiques.
Chaque pays est libre de développer à partir d’une base commune les fonctionnalités les plus adaptées à son marché. Pour nous, c’est une vraie évolution puisqu’en tant que groupe, on avait tendance à mettre en place des solutions uniformes dans chacun de nos pays.
Evidemment il y a des choses qu’on retrouve d’un pays à l’autre et même une application comme eBélier, a besoin d’être à chaque fois adaptée au contexte local. Le nom ne sera pas le même, bien évidemment on trouvera quelque chose plus adapté au contexte.
La vente en ligne se développe sur le continent où des sites proposent du ciment dans certains pays. Peut-on imaginer les produits LafargeHolcim en vente en ligne et optez-vous pour avoir votre propre Market Place ?
Nous sommes en pleine phase de réflexion sur ce sujet. Il est très difficile de concurrencer les sites marchands qui ont un niveau de volume et une notoriété très forte, on peut effectivement citer Jumia ou encore Afrimarket. Ce n’est pas impossible mais cela pourrait se faire avec notre réseau de détaillants pour développer des partenariats avec une Marketplace déjà existante.
HS/ls/APA